2 mars 2015
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17:00
Nous ne nous étions pas revues depuis 37 ans et avions décidé que ça suffisait. D’un coup, comme ça, parce que la cinquantaine bouscule le temps et s’accroche à d’anciens repères, une manière comme une autre d’avancer.
Rendez-vous dans une brasserie place de la Nation, bonne adresse pour un tour de table à cinq. Nous ne nous sommes pas reconnues immédiatement ou plutôt nous avons pris la peine d’accommoder nos regards à nos rides. Et comment dire, la sauce a pris tout de suite, chacune a déroulé son grand parchemin, comme Kerouac sa route. Etudes, mariage, enfants, joies et misères, déceptions, voyages… Enfants.
Et puis, le lycée, bien sûr. Les années C, de la seconde à la terminale. Les « tu te rappelles, Mlle M., dire qu’elle nous paraissait âgée or elle a eu un bébé quelques années après nusavoir eues dans sa classe… Oh les soirées du Ciné Club, ça existe encore ça de nos jours ?... Et la prof d’anglais qui me prenait pour une fumiste… Et ce jour où… »
Un fou rire, une lumière dans les yeux, nous évoquons ces absentes avec lesquelles nous sommes toujours en contact. Les photos de classe scannées, un peu floues, glissent sur l’écran d’un smartphone, endroit, envers, comme prises de tournis, et circulent de mains en mains. Puis tel un refrain, aujourd’hui revient dans la conversation. Travail, enfants…
Les serveurs nous tournent autour, diligents, intrigués par ces adolescentes de plus de cinquante ans qui mangent sans se préoccuper ce qu’il y a dans leur assiette. Des gamines démonstratives et bruyantes qui se prennent en photo. On dirait qu’elles évoquent leur petit copain ou le dernier clip de Lady Gaga. Derrière, au bar, un papy nous observe, intrigué, et se frotte les yeux. Son regard embué se cogne au dôme transparent qui nous entoure. Pas évident de voir défiler 37 ans sur cinq visages !
Les heures défilent, on s’impatiente autour de nous. Des cafés ? Nous pensons déjà à d’autres rendez-vous, d’autres éclats de rire, nous n’avons pas tout dit, et puis nous serons plus nombreuses la prochaine fois. Nous reparlerons du lycée, de la vie, des enfants…
J’ai repensé à tout ça dans ma voiture, à ce voyage dans le passé très agréable et qui donne toute sa saveur au présent. Et une fois rentrée chez moi, j’ai revécu ce moment pour mon mari qui m’a fixée, goguenard :
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Si ç’avait été une réunion entre hommes nous aurions parlé du lycée et de nos conquêtes d’alors, de notre travail, de nos voitures… Avant de parler de nos enfants!