J’entre dans une librairie, un peu sombre. Première image, un portrait de Voltaire. Tout plein de livres, sur des tables, en vitrine, pas un recoin inoccupé, tout est dédié à la littérature. L’œil ne peut pas y échapper. La lumière est pourtant faiblarde, jaunâtre, rasante. Peu propice à la lecture. Des acheteurs silencieux, chuchotant :" c’est pour un cadeau, oui, vous voulez un paquet, si ça ne vous dérange pas." Tout semble suranné, le libraire, l’acheteuse, les gestes délicats de l’une, la servilité de majordome de l’autre, une sorte de distinction, de distance, de révérence. Je tourne, je survole, couvertures et étagères, format poche ou éditeur, BD, romans, livres de photos d’art, géographie, histoire. J’ai l’air d’une LNI, une lectrice non identifiée. Je demande le dernier Darrieussecq, erreur incalculable, il n’y en a pas à l’heure actuelle. Réponse condescendante de l’homme qui ne s’interrompt pas dans son ouvrage. Il y a ce cadeau à emballer le plus parfaitement du monde. Et je sors en voleuse, en resquilleuse, consciente de mon audace. La porte se referme sur moi, sans un bruit.