70 - Début et fin + Ecriture sur image (Flora)
Qui ces fauteuils attendent-ils? Ou quoi? Vont-ils être témoins de quelque chose? A vous de le dire en utilisant impérativement les début et fin que voici:
Début: "Les deux hommes attrapèrent leur imperméable puis partirent en toute hâte."
Fin: "Mais comment pouvait-on donc faire ainsi la pluie et le beau temps?"
Les deux hommes attrapèrent leur imperméable puis partirent en toute hâte. Il était quinze heures trente quand Arnaud reçut un appel téléphonique de la clinique. Il était en réunion ave le grand patron, et la sonnerie de son portable fit mauvais effet. Quand il en expliqua la raison, on le félicita et, en lui tendant son imperméable, on le pria de s’en aller sur le champ.
Il était quinze heures trente six quand Clément entendit retentir : « one, two, three, four », les paroles du dernier tube de Feist. Il bloqua son portable à l’oreille tout en guettant son tour devant les guichets de l’ANPE. Se saisissant de son imperméable déposé sur le dossier d’un siège, il sortit comme un zébulon.
Arnaud riait tout seul dans la rue et les passants lui trouvaient un air glauque. Il s’engouffra dans le métro et repensa mentalement aux gestes qu’il devrait accomplir. Il s’était tellement préparé à ce jour. Retourner à la maison, prendre les deux valises, téléphoner à sa mère, prévenir la femme de ménage, qu’elle nettoie la poussière dans la chambre bleue.
Clément sentait des ailes lui pousser dans le dos, comme si quelqu’un lui donnait de petites tapes amicales : eh vieux, c’est super ce qui t’arrive ! Il faillit rater les marches du bus. Deux ados lui lancèrent un : dis donc mec, t’es d’jà hors jeu ! Il leur décocha un sourire et s’installa tout au fond. Là où l’on peut mater ses voisins ou tourner le dos au bus, regarder derrière soi comme si la vie d’avant s’éloignait et qu’on lui disait au revoir.
Arnaud manqua sa station et dût prendre la rame en sens inverse tout en pestant contre lui-même : quel idiot je suis, je risque d’arriver quand tout sera fini ! Dans la rue il s’arrêta devant la vitrine d’un magasin de meubles. C’était plus fort que lui, tout ce bleu dans le décor, c’était l’océan, il était Ulysse et cédait à l’appel des sirènes. Il imaginait dans quelques années, ces deux fauteuils occupés par lui et… Il s’ébroua… Eh bonhomme tu es qui, et tu fais quoi ? Il se mit à courir jusqu’à la maison.
Clément, dans le bus, fut irrésistiblement attiré par une affiche sur un panneau publicitaire. Deux fauteuils très modernes placés l’un à côté de l’autre, pour accueillir des altesses ou des chefs d’états. Qui ? Leurs altesses sérénissimes des jours meilleurs. Pour quoi ? Pour célébrer le merveilleux événement à venir. Il se mit à rire. Tout seul. Sa voisine se leva et le dévisagea du coin de l’œil. Elle s’éloigna en pressant son sac contre sa poitrine.
Arnaud jeta les valises dans le coffre de sa voiture et calma ses nerfs en fumant une cigarette. Après quoi il démarra en trombe, ignorant les passages cloutés, les piétons et les feux aux carrefours. Il démarrait sans crainte car un bonheur fou le rendait intrépide. Mais il se reprit, ce n’était pas le moment de se montrer imprudent, de briser sa famille à peine constituée.
Clément, descendit du bus en se tapant le front avec le poing. J’aurais quand même pu prendre un taxi, se dit-il. J’ai tellement besoin de la serrer dans mes bras, de lui dire, de penser à nous, à demain… Vite, vite, à nous la vie belle, neuve, à nous et à cet enfant dont nous allons….
Arnaud se gara dans le parking de l’hôpital et pensait ressortir pour passer chez le fleuriste. Mais les valises l’encombraient. Il redescendrait tout à l’heure après avoir embrassé Rosalie et le bébé. Son bébé, ce petit bout d’homme tout rose et vagissant. Cet amour de miniature, à qui ressemblait-il ?
Clément acheta des chocolats, une impulsion soudaine, une envie de femme enceinte ? Décidément... Il pirouetta dans la rue, un petit saut d’allégresse, une fantaisie de gamin. Il manqua de trébucher une seconde fois. Il se composa un visage plus serein, et pénétra dans le bâtiment.
Arnaud se renseigna à l’accueil, dépêchez-vous lui dit-on, le travail a commencé, vous n’allez pas tarder à être papa. Clément fut arrêté par la gardienne : monsieur, votre femme… Oui, je sais j’y vais… C’est le courrier monsieur, elle vous demande de le monter… Ah, euh, oui…. Arnaud coupa le cordon ombilical. Clément se précipita dans la salle. Arnaud prit son enfant dans ses bras pour la première fois, tout chaud, moelleux, humide. Clément se rua sur Armelle et l’étreignit à l’étrangler : tu ne t’es pas trompée vraiment, ces sont les numéros exacts du loto. Cette maison dont nous rêvons, cet enfant à venir, tous ces projets vont vraiment réaliser…
Arnaud se plaça devant la fenêtre et bébé cligna des yeux. Il en a fallu des tentatives, des FIV, des pleurs, du courage, pour t’avoir, toi. Arnaud posa ses lèvres sur la joue de son enfant et effleura celle de Rosalie. Puis il dirigea son regard vers le ciel, remerciant Dieu.
Clément éloigna Armelle et l’observa longuement. Il prit délicatement le coupon qu’elle lui tendait et y appliqua l’extrémité de ses doigts tel un aveugle lisant en Braille.
A dix sept heures trente dans une chambre de la clinique et à dix sept heures trente six, chez lui, Arnaud et Clément eurent la même pensée : mais comment pouvait-on donc faire ainsi la pluie et le beau temps ?