Je change de dizaine. On me dit faut avancer, faut fêter ça. Oui mais cette dizaine-là, elle fait mal, elle passe pas. Dans la gorge, elle passe pas. Un côté mémère, un côté ranci. Je ne fait plus partie du panel des ménagères de moins de… J’ai un vécu, un passé, des souvenirs. On me ferait même croire que j’ai plus d’avenir. Ou alors c’est mémé, mamie, poterie. Je vais gonfler, grossir, déprimer. Me résigner, m’effacer.
Eh, oh, faut pas rêver ! Ca c’est pour les autres. Celles qui croient à la baisse de régime, à la décrépitude. Qui laissent le temps agir comme un rouleau compresseur et s’aplatissent dessous pour lui faciliter la tache. D’abord moi, je ne suis pas encore grand-mère et je fais un pied de nez à la cinquantaine. Je porte les mêmes jeans qu’à vingt ans, même forme, même taille. Même forme, pas tout à fait puisque j’ai opté pour le taille basse. Mais j’ai décidé de rejoindre les copines dignement. Carole Bouquet, Isabelle Huppert, Isabelle Adjani, Corinne Touzet, Véronique Janot, Inès de la Fressange et même Caroline de Hanovre. Ca fait tout drôle de se dire que maintenant c’est des copines, on est dans le même clan. Celui des cinquas qui se tiennent. Alors bien sûr j’ai pas les moyens d’entretenir un coach de gym, un coiffeur et un cuistot minceur mais j’en veux moi aussi. Je cuisine des carottes à la vapeur, opte pour le chou fleur en salade et les aiguillettes de poulet aux cinq parfums, à l’espagnole, au curry, et même au thym. J’ai l’impression de varier mes menus tout en mangeant tout le temps pareil. Sur la balance pas de surprise.
Je peaufine mon brushing, j’ai appris en regardant ma coiffeuse se coiffer toute seule entre deux clients, les jours calmes. Et je perfectionne au fer à lisser, pour la final touch c’est génial. Ca ne fait pas pro comme résultat et ça évite le look dadame. C’est moi, c’est tout.
Pour la gym, je vais à la piscine trois fois par semaine, quand j’ai pas le pied dans le plâtre évidemment. Je vous voyais venir, vous m’imaginiez gesticulant devant un DVD de Véronique et Davina dans un justaucorps rose fluo. J’ai déjà dit, faut pas pousser ! Ce sont des références qu’il vous faut, pour me situer et m’enfoncer. Allons-y. J’avais dix-huit ans quand « La fièvre du samedi soir » est sorti, vingt à l’époque de « Grease » et vingt trois pour « L’été meurtrier ». Les chanteuses françaises de l’époque étaient toutes blondes France Gall, Sylvie Vartan, Joëlle, Véronique Sanson. Et nos chanteurs faisaient se pâmer des minettes : Claude François, Joe Dassin, Alain Chamfort, Dave, Johnny… Des groupes comme Téléphone ou Indochine cartonnaient. Michaël Jackson explosait et Madonna débutait.
Voilà pour la rétro. Je sais les djeunes vous vous bidonnez. Mais qui dit que dans vingt ans, les petits boudinés en bavoir d’aujourd’hui ne se moqueront pas de vos Katty Perry et autre Lilly Allen. C’est de bonne guerre, la roue tourne. J’ai décidé de grimper dedans, les grand huit et autres « space Montain » c’est pour moi. Vitesse, loopings, vertige, je peux encore apprécier. Je ne vais pas me priver. Cette dizaine-là n’est pas si difficile à avaler tout compte fait. Il suffisait de l’enrober dans du sirop comme un comprimé amer.