.... Au mois d’avril. Je les ACHETE à cause de la fille sur la couverture, mince, grande, élégante et surtout pas retouchée. Elle pose en maillot de bain généralement, et ses longs cheveux dorés ondulent au vent des ventilos du studio photo. Ses courbes parfaites expriment l’harmonie à laquelle nous devrions toutes prétendre. Elle est un idéal, un but à atteindre. D’ailleurs les gros titres alléchants affichent une philosophie bouleversante : « Gardez un ventre plat, perdez trois kilos en quinze jours ». A méditer le soir dans le silence, agenouillée sur la descente de lit. Je touche à la psychanalyse là. Faire le deuil d’un comportement destructeur… Entrer en résilience. Enfin bref, il faut que j’arrête de me goinfrer.
Ensuite, je les FEUILLETTE. Pour voir les pages, à l’intérieur, dedans. Les recettes de cuisine, les erreurs à ne pas commettre, les crèmes à tartiner sur l’âme autant que sur le corps. Les exercices de gym, les sports d’endurance, les recommandations liées à l’âge. Il n’y a que des trucs que je ne soupçonnais pas. D’année en année, je découvre, je m’émerveille, je m’extasie. Et puis de vrais professeurs, des médecins, des coachs y vont de leurs conseils. On nous indique, des salles, des restaurants, des hammams. C’est comme le Guide du Routard, tout a été testé, analysé, critiqué. Si t’essayes t’es prévenue. C’est pour ton enrichissement, ta culture, et qu’après tu étales ton savoir auprès des copines. Hé, c’est pas tout le monde qui va à la piscine du quartier au bas de la rue à droite, ou contourne le pâté de maisons à l’aise dans ses baskets. C’est un privilège d’aventurier, ma belle ! Tu montres que tu ne te laisses pas aller, que ton équilibre est dans l’effort. Tu ne vas quand même pas avouer que t’as pas le temps, que ça te fais ch…, et que la piscine c’est pas tout près de chez toi. Tu ne vas surtout pas admettre que les revues ne t’apprennent rien que tu ne saches déjà. Et que t’as dépensé des sous pour nada. Moi, j’ose pas.
Enfin je les JETTE. C’est une forme de thérapie. Sitôt parcourues, sitôt oubliées. Et ça me calme. Ca canalise une pulsion. Ca m’empêche de passer à l’acte, de plastiquer le siège du journal. Parce que comprenons nous bien, quand on fusille ses journées à travailler à l’extérieur, faire les courses et la bouffe, nourrir le chat, repasser, surveiller les devoirs, câliner monsieur et passer la serpillière dans la cuisine, on aime se caser un petit moment à soi. Alors bien sûr, on lit ou on court, on nage ou on écoute de la musique. Mais ces activités ne sont que détente et repos. Jamais on ne perdra un gramme, nos journées sont stressantes, nous ne sommes pas des stars de magazine. C’est toujours pareil, pour nous aider réellement, il faudrait une nounou à nos côtés, qui nous tienne la main et nous encourage, nous pose des interdits.
Toutes ces revues le savent, qui jouent les Super Nanny, juste un instant. Elles nous happent le cerveau le temps de l’achat au kiosque. Une fois ferrée la ménagère, on s’en FOUT. Je me fais avoir autant que vous!