Thème de la semaine: si j'étais un oiseau.
Si j’étais un oiseau, je choisirais d’être une cocotte en papier. D’abord parce que c’est affectif, cocotte, c’est un mot gentil. Maman m’appelait comme ça quand j’étais petite, merci cocotte, tu vas chercher mon porte monnaie dans mon sac cocotte, n’oublie pas de ramener le pain cocotte.
Et puis ça a un petite côté grivois, une cocotte, une poule, une gonzesse quoi. C’est Arletty dans Hôtel du Nord, Suzy Delair dans les films de Clouzot. Et puis ça sonnait bien dans la bouche de Gabin, le ton sec et cassant, la gouaille et la bouche pincée sans un sourire.
Et puis, une cocotte caquetant dans une basse cour et se dandinant en picorant du grain, c’est tout moi. Bavarde, gourmande, dodue. Et puis, mes ailes ne me soulèvent pas bien haut, si je m’envole parfois c’est dans les mots et les histoires que je m’invente sur du papier.
Le papier, celui dont on fait les cocottes quand on s’ennuie à l’école ou au bureau. J’aime l’idée, on s’évade en pliant des feuilles et on les fait ressembler à quelque chose. On peut fabriquer un pigeon ou une grue aussi, tout ce qui a des pattes et des ailes. Et pendant qu’on s’échine, qu’on s’énerve, ou qu’on se concentre au contraire, le temps passe. Comme si on restait à regarder le ciel et ce qui bouge là-haut, on s’oublie un peu.
Si j’étais un oiseau en papier, tiens un pélican par exemple, je ne serais pas, je ne pèserais rien et on me froisserait d’une main rageuse. On me poserait sur une commode à côté d’une girafe ou d’un éléphant, on me regarderait, et me déplierait. Je serais le témoin des humeurs bonnes ou mauvaises, le détail qui trahit. Je révèlerais des caractères, des pensées et cette intrusion dans la vie des gens, cette indiscrétion, m’amuserait beaucoup.