Le thème cette semaine chez Lajemy est : jeux d’enfants.
Je suis une fille des îles née au Maroc. Je me répète certainement, je crois l’avoir déjà dit, mais ça fait de moi une fille de nulle part. Une vraie parisienne en somme.
Je me suis souviens de mon enfance à Casablanca, à cette époque de l’année, mai-juin. Les amandiers étaient en fleur, les fraises embaumaient les étals des marchés. Nous, ce qui nous intéressait c’était les abricots. Nous choisissions les plus beaux, susceptibles d’offrir les plus gros noyaux que nous collectionnions. Nous les faisions bouillir afin d’ôter les restes de pulpe autour et les ramenions à l’école. Un soleil tiède, chaud vers midi, baignait la cour de l’école française du Belvédère. Tous ceux qui ont connu le Maghreb, enfants, jusque vers le milieu des années soixante dix, ont joué aux noyaux.
Pendant la récréation, nous nous asseyions à même le sol, désignions un noyau comme étant le cochonnet, tentions de nous en approcher avec les autres et de nous approprier ceux des copains. C’était magique, nous venions de partout, France, Grèce, Allemagne, Portugal, Espagne et Maroc bien sûr, et n’avions qu’un seul langage, celui du jeu. Et de l’Afrique du Nord. Ca commençait par: à qui tire ? Ce qui signifiait : qui commence ou à qui le tour ? Mais on n’échappait pas aux : purée, la vie de ma mère, rien que tu touches, je te tue ! Les mains noircies par l’asphalte ou blanchies par la craie qui servait à marquer nos points, la langue pendante, les yeux rétrécis par l’effort, nous écartions nos cheveux de nos fronts brillants de sueur. Le quart d’heure de la récré durait une seconde. Un instant hors du temps, dans la suprême dimension.
Alors quand la cloche sonnait, avant de nous mettre en rang devant les classes, nous ramassions notre butin que nous serrions dans de petits sacs pour les planquer dans nos casiers.
Joffo évoquait un sac de billes, mais Tahar Ben Jelloul parle du jeu de noyaux dans l’un de ses romans il me semble. Pour étaler ma culture littéraire je conclurai en disant un peu comme Amélie Nothomb à propos du Japon,
" Souviens-toi, tout va disparaître, souviens-toi, parce que bientôt tu n'en conserveras que ce que tu as gardé là. " Je me souviens.