Au détour d’un chemin rasant la route, un pont en accent circonflexe enjambe le ruisseau. L’endroit est idéal, on y observe les branches courbées des charmes qui se font la révérence d’une rive à l’autre. Elles forment un tunnel, comme dans les films d’Esther Williams. La mise en scène est au point, les branches nues du premier plan signent la grâce et le mouvement. Au second plan, évolue le corps de ballet. Camaïeu de vert, foisonnement des couleurs, expression d’un jeu d’ensemble. Au loin, ténèbres, mystère, le feuillage se pare d’un bleu profond. Sur la droite, une guirlande joue les demoiselles oisives. Elle suit la berge et laisse pendre ses jambes dans l’eau. Des libellules effectuent un vol subtil, turquoise et transparent, à hauteur d’yeux. Des fraises sauvages rampant au sol noin loin de chaque berge, achèvent le contraste des couleurs.
Le bois craquette mais l’après-midi engourdi dans la torpeur, fait la sieste. Le feuillage filtre les rayons du soleil. Seuls les plus clairs, les plus purs, passent au travers. La lumière coule, verticale, blanchit les troncs. Couvre les frondaisons de dentelle ajourée, par endroit. Tandis qu’ailleurs, la végétation dans l’obscurité a une couleur bouteille, froide et coupante. Des particules blanchâtres, de pollens ou de terre sèche soulevée par le vent, volent au-dessus du ruisseau comme des bulles. Et l’on voit marcher des rayons sur l’eau. Au centre de traces luisantes et creuses comme des pas, des gardons jouent avec leur ombre.