Arrivés tous deux à la cinquantaine, bien calés au creux du lit froid, ils écoutent les années. Elles murmurent, c’est un chuintement au creux de l’estomac. C’est la respiration de l’un calquée sur le ronflement de l’autre. Le bras passé le long du flanc, les corps imbriqués. Le sommeil tranquille, les sursauts rares, les rêves insouciants comme l’enfance. Dehors la pluie chantonne et forme un rideau de fils protecteurs, préserve un écrin, entretient la chaleur d’un foyer vibrant, vivant.
Les bras s’écartent, on ne peut conserver une même posture toute la nuit. Chacun repousse l’autre un peu, se tourne, s’étire ou roule sur soi, recroquevillé. Les rêves s’évadent, vagabondage, libertinage. En songe tout est permis. C’est une liberté qu’on prend, à peine une trahison. Tout juste une récréation, pour se retrouver seul, à la merci de ses fantasmes. De ces chimères qui soufflent les cœurs comme des ballons que l’aube ramènera à une taille confortable. On recommence sa jeunesse, on réinvente l’ardeur et l’ivresse des passions, comme si tout était encore possible.
Un frisson, un tremblement. L’autre se rapproche, remonte la couverture, recherche la chaleur, a besoin de l’odeur. Au mitan de la vie, les habitudes soudent, les certitudes gainent, l’autre est un édredon. Plus d’aspérités, peu de conflits. Et si le temps n’a pas trop décalcifié les os, enveloppé les muscles, enflammé les hormones, raidi les sentiments, qu’il est bon d’aborder cet âge à deux.