Le casse-tête cette semaine chez Sherry est : les outils.
Le brouillard ponce les lumières de Noël et rappe les manteaux des passants qui semblent glisser sur des lames. Je marche dans la rue, c’est plus prudent, pourtant mes pieds se vissent à l’asphalte comme si l’on venait juste de niveler le revêtement gluant.
J’avance en renâclant, ce rendez-vous n’a rien de romantique. Je calcule le chemin parcouru depuis le début de notre rencontre, je sais qu’il va m’arracher le cœur. A départ il n’était qu’un contact, un piston, pour tenter ma chance chez L’Oréal.
Il connaît bien son métier de DRH le bougre, sonder le postulant, percer ses secrets, mesurer ses aptitudes.
Bien sûr, il m’a clouée au pilori. Et je n’ai rien vu venir, j’avais pris ses gants de soudure pour des gants blancs. Il usait de gestes tendres comme de chignoles, forait ma carapace de célibataire au cuir tanné. Mais dernièrement il a changé de comportement
A commencé par raboter ma carcasse. Puis a troqué le burin pour un marteau piqueur. Ses petites attaques sont devenues des tentatives de démolition. Comme s’il fallait raser un chantier, tomber des murs, occuper les ouvriers que sont mes nerfs.
Le sous-sol du BHV, rayon bricolage. Drôle d’endroit pour une rencontre. Des vendeurs en boléro vert baillent devant leurs rayons déserts. Trompettes et cuivres pour la musique d’ambiance. Une voix dans un haut- parleur vante la cafétéria du cinquième étage. Mas ici, au milieu des clous et des scies, ça sent le plastique et le métal chaud. Pour lui, ce buldozzer, c’est parfait. Le combat est inégal, ses mots seront des outils de destruction. Pas les miens.