Le casse tête cette semaine chez Lajemy est: j'aurai aimé être...
J’aurai aimé être écrivain. Quelqu’un d’exceptionnel, dont le succès éclate dès le premier roman. Pas ce galère, ni de doute. Qu’à l’âge de dix huit ans on ait découvert que j’étais géniale, que j’avais déjà tout saisi, tout vécu d’instinct.
Que ma sensibilité égale celle de Françoise Sagan ou d’Amélie Nothomb. Un côté snob et léger ou totalement déjanté. Qui vend des milliers d’exemplaires et qu’on adore et qui dédicace pendant des heures, à tour de bras dans les salons. Traduite dans plusieurs langues et préfacée par PPDA ou Philippe Besson, des types qui vendent plutôt bien eux aussi. Intellos du juste milieu, pas trop rasoirs, entre Modiano et Marc Lévy.
Pour ça il faut du talent, bien sûr, et connaître quelqu’un, qui connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un… Je n’en démords pas, faut des relations, faut de l’influence. Pour faire éditer de plates histoires d’amour. Et ça me rassure de le croire, j’ai l’air moins bête, moins nulle. On bien il faut vivre des événements passionnants, un peu graveleux, un viol un inceste, une catastrophe. Il faut avoir survécu à la guerre, à la famine, à la misère. Etre marqué, blessé, entamé, à vie.
Ou alors, le génie consiste à créer un univers à la JK Rowlings et son apprenti sorcier de Poudlard. Ou une atmosphère de bonnes femmes. Katherine Pancol, elle sait faire. Pancol c’est cool, ces petites nanas qui aiment et qui doutent et qui se trouvent godiches face à des princes super charmants. Ou bien si on préfère, écrire des polars, bien psychologiques, bien noirs, sanglants, haletants. Il faut se faire peur pour faire peur.
Tout ça pour dire que moi, avec ma vie bien réglée, lever le matin à 6 h 30, nourrir les chats, emporter la liste des courses pour après le boulot, boulot, courses, repassage, repas du soir en famille et télé, j’ai une vie exaltante. Et que j’envisage le Goncourt avec un bouquin dont le titre serait : « J’ai entendu du bruit chez le voisin du quatrième ». Je peux toujours espérer, ça ne mange pas de pain. Qui ne tente rien, n’a rien.