Marseille était l’étape obligée avant Bastia. Une journée dans la cité de Marius, le ferry, et à nous la Corse. La ville a su nous retenir comme un bonimenteur devant son échoppe. Nous ne verrions pas tout, pas même l’essentiel mais nous éprouverions le besoin de revenir. Comme si nous avions entrevu la caverne d’Ali Baba.
Nous avons eu notre premier contact avec le port grâce à Notre Dame qui pointait le doigt sur nous au détour de la route comme une invite. Un lieu de culte mais aussi un guide touristique très persuasif. Elle nous présentait sa ville comme une jolie fille enroulée au soleil, l’eau clapotant sur son flanc.
Nous avons voulu voir à quoi ressemblait la demoiselle et nous sommes posés bien des questions à l’entrée du Vieux Panier. Des rues grimpantes et serpentant, des escaliers usés par les rigoles d’écoulement de l’eau. Le linge séchait aux fenêtres comme s’il nous saluait ou qu’il se moquait de nous, peuchère ! Des murs tagués, des façades ridées, pelées mais comment dire…
Remuantes, agitées comme pour signifier : nous avons été belles vous savez, regardez, il suffirait d’un lifting, d’un ravalement… et puis zut nous ne voulons pas nous débarrasser de l’histoire, nous retenons notre pelisse de peinture écaillée comme une armure protectrice. Et d’ailleurs ça vous plaît à vous de penser qu’en nos murs « la vie est plus belle ! ».
Allez admirer d’autres façades, d’autres balcons ouvragés. Accoudez-vous mesdames, dans la fraîcheur du soir, écoutez ces troubadours dont les chants parfumés au romarin racontent la Provence.
Et vous messieurs, suivez ces autochtones. Ils avancent dans les ruelles, ils se dirigent vers le port, c’est l’odeur de l’anis, le tintement des glaçons dans les verres qui les attire. Ils se sont donné rendez-vous au café, ont le verbe haut et la langue pendue. Il y a là Escartefigue, Raimu, Mistral, Pagnol, Daudet. Avec un peu de pot, hum, vous les verrez conter fleurette à Fanny et à Mireille. A moins qu’ils ne coursent l’Arlésienne ou les cagoles!
Ecoutez, les « Pays » qui se traitent d’enc..lés toutes les deux secondes, en pleine rue ou le téléphone pendu à l’oreille. Ici c’est affectueux, c’est enrobé de thym et de farigoulette, ça siffle à l’oreille mais ça ne rentre pas dedans !
Nous avons visité l’église Saint Laurent toute proche du bord de mer, sur le vieux port. Elle est immense, magnifique évidemment, et de style roman provençal. Ses arcs bicolores me rappellent Cordou en Espagne. Comme si la Provence avait du mal à être entière, comme s’il lui fallait partager avec d’autres pour se sentir unique. Cette idée me plaît.
Nous avons retrouvé la jeune fille à la tombée de la nuit. Elle dansait dans la rade sous les projecteurs. Il ne manquait que les boules à facettes pour lui donner ce côté rétro si actuel ! Elle gesticulait au milieu des bateaux, s’enroulait aux mâts, emprisonnait la lumière. Elle voulut grimper vers les remparts et nous la perdîmes tandis qu’elle escaladait la roche violette.