Pour répondre aux "casse tête" des quinze derniers jours, chez Lajemy: Contes et légendes et histoire de coeur.
Si je racontais une histoire alliant personnages de légendes et passion amoureuse, je ferai je crois, d’une pierre deux coups. Il s’agit d’un conte haïtien extrait des « Contes et légendes des Antilles ».
Le soir tombe tôt dans les îles et nous sommes installés, vous et moi, sur la véranda d’une habitation créole. Notre hôte est un antillais aux cheveux tout blancs et crépus. Il est vêtu d’une chemise et d’un pantalon blancs. Il porte un chapeau bakoua sur la tête et se balance sur une chaise à bascule. C’est l’heure du ti punch coco et des accras. Ecoutez ses paroles, elles lui sont soufflées par des volants, ces humains qui se transforment en oiseaux et voyagent au-dessus de nos têtes.
Zilia était la fille de Ménélas. Elle faisait rêver tous les jeunes hommes du village. Elle ensorcelait les cœurs des humains mais les animaux et la nature étaient aussi sous emprise. Ainsi Thézin un joli poisson argenté tomba fou amoureux d’elle. En bondissant au bord de la rivière, il fit miroiter ses écailles au soleil et réussit à se faire aimer de la belle.
Zilia lui rendait visite en cachette de son père et se baignait à ses côtés. Mais dès qu’elle s’en allait Thézin troublait l’eau de la rivière, pour s’amuser. Et quand Jean, le frère de Zilia voulait en ramener une jarre pleine, elle était toujours boueuse. Jean se faisait gronder, alors que sa sœur, elle, ramenait toujours de l’eau claire comme du cristal. Alors il voulut accompagner Zilia qui se dérobait chaque fois. Il la suivit en cachette.
Il la vit chanter langoureusement au bord de l’eau :
- Thézin, mon bel ami, me voici… Me voici…
Et à son étonnement, il aperçut un poisson nageant en direction de la pierre où sa sœur était assise, dans un petit bassin dissimulé par une branche.
Il raconta cette aventure à son père, exprimant sa surprise devant l’étrange tendresse qui liait sa sœur à un petit poisson.
Ménélas connaissait les histoires des divinités haïtiennes comme « Maîtresse d’l’eau » et leur redoutable pouvoir de séduction. Il décida de délivrer sa fille malgré elle.
Un jour, Thézin prévint Zilia : « Dès que tu verras trois taches de sang sur ta robe blanche, tu sauras que je ne suis plus ».
Le coeur de Zilia battit la chamade. Un grand froid l'envahit. Le lendemain, tandis qu’elle vendait des légumes au marché, Jean et Ménélas se rendirent au bord de la rivière, imitant la voix chantante de la jeune fille. Thézin, d’abord méfiant, ne se montra pas. Ménélas prononça alors les mots magiques des dieux de Guinée. Une force surnaturelle contraignit l’amoureux à présenter ses flancs au sabre de Ménélas.
A la même heure, trois petites taches de sang apparurent sur la robe de Zilia qui se précipita à la rivière. Elle chanta longtemps, en vain.
Assise derrière la maison de son père, elle reprit ses chants désespérés des heures durant. Peu à peu, elle disparut sous terre. Ménélas qui passait là, ne put que retenir une mèche de ses cheveux.
Par delà la mort, le bel amour triomphait. Zilia et Thézin, le poisson argenté prolongèrent leur idylle jusqu’aux limites du bonheur.
Il fait un peu froid ce soir, vous ne trouvez pas ? Si nous reprenions un tit verre de punch ?