DEFI 73 de Tricôtine: autoportrait.
Pris sur le net.
Il m’observe depuis le placard au milieu des soutiens gorge. Parce que dans ce désordre de bretelles et de dentelles, il est aux premières loges. Et là au moins, je ne perturbe pas sa vie de chat. Je m’agite, je fais du vent, je déplace l’abat -jour, des gestes nerveux de sale gosse. Je secoue les draps du lit et un tas de cochonneries tombe sur le parquet. Il prend la pause, s’étire de tout son long comme pour signifier : avec cette tornade, je ne vais pas stresser! Je m’assieds devant la coiffeuse, jette un œil à la glace, replace une boucle frisée dans mon catogan. Retire mes lunettes, traque une petite ride autour des yeux. Jaunes, verts, marrons, ils sont comme ceux du chat mes yeux. Changeants selon la lumière. Je me relève, me cogne au coin du meuble. Ramasse une chaussette et le dernier ELLE sur le plancher. Un plastique de chez ESPRIT, une pochette ETAM. La montre de mon fils à faire réparer, le pull de Chéri.
Je cours dans la cuisine, revient avec l’Ajax vitres, un rouleau de sopalin et la carte vitale de ma fille. A mettre dans mon sac. Penser à son ordonnance.
Prise sur le net. Ce n'est pas moi bien sûr! Prendre la pause comme ça, jouer les vamps, pas le temps!
Je range la chaussette, le ELLE, la pochette… Refait le lit. Enfile des gants en caoutchouc taille sept et demi. Pschitt sur la glace de la coiffeuse et sur les vitres. Mon portable sonne. Oter les gants. Vite mon sac ! Des gants en peau, les clés, le plan du métro, quatre paquets de kleenex entamés, un tube de Labello plus tard… Je trouve mon portable. Il a cessé de sonner. Je crie M… Retour à la cuisine, mon bol de thé, une tartine pain confiture, mon comprimé hypoquelquechose. Un œil sur le réveil et, croche pied involontaire au chat qui m’a suivie, on ne sait jamais… Alors que j’ai versé des croquettes dans sa gamelle il y a une demi-heure. Je me maquille, j’ai deux minutes.
J’enfile mes bottes. Dessous le jean, et plates les bottes, c’est que je marche tout le temps moi. J’enroule l’écharpe de laine mauve autour de mon cou, enfile ma doudoune. Une bise à Chéri. Un dernier regard au miroir dans l’entrée. Mes cheveux sombres sont tirés, j’ai l’air sévère et les joues rouges. Je porte ma besace dans une main, mon casse-croûte et le sac poubelle dans l’autre. Il faut que je fasse attention à ne pas jeter mon repas dans le local. Où sont mes clefs de voiture? Dans la poche du manteau. Pierrot se frotte à mes bottes, je le tapote entre les oreilles. Pierrot c’est mon chat.
Ouf la journée peut commencer…