Le défi de rentrée chez Voilier consiste à laisser naviguer notre imagination sur le thème « Chants d’Encres », à partir d’une bande sonore issue de l’album de Patricia Dallio : « L’encre des voix secrètes », et dont le titre est « Intrigue».
Ce serait un murmure, un chuchotement, un bruit de métal, de porte qui claque, une machinerie qui s’emballe, le début d’une intrigue au cinéma et la bande sonore qui l’accompagne. Ce serait une annonce, un départ, prévenir, indiquer l’imminence d’un danger. Et pourquoi pas un avant-goût du bonheur, du triomphe, du succès…
Ce serait une musique d’ambiance au restaurant, et l’évitement des regards constituerait le plat principal, le couple comprendrait qu’il n’en est plus un.
On penserait à une consultation chez le médecin, à une chaise raclant le sol, avant le diagnostic suspendu au-dessus des têtes.
On imagine un concert, des notes, disparates, échappées des coulisses, prémices d’un show éblouissant.
On se laisse porter, les yeux fermés, allongé sur un tapis, une voix douce s’adresse à nos muscles, nos articulations, nos corps noués.
On déambule dans les salles immenses mises à la disposition d’une exposition d’art contemporain, ferrailles hétéroclites, blocs de ciments entassés, colorés, agressifs, et fond sonore adéquat.
Tressaillements, cœur hypertrophié, pupilles dilatées, oreilles bourdonnantes à l’heure du premier rendez-vous.
Ce serait un matin de fin d’été à la campagne, des champs vallonnés, voluptueux, tondus, se préparant à l’automne, au givre de l’hiver.
Je suis assise à la terrasse d’un café, une fontaine chuinte sur une place aérée, des voitures circulent avec lenteur, ciel gris ; un souffle d’air chaud dans mon cou, tournoiement de notes dans ma tête. Un jeune homme lit « Les frères Karamazov » à la table d’à côté. Dégringolade de cheveux roux sur les pages. Comme il est beau !
Je me promène dans un sous-bois en me gorgeant de mûres, je m’assieds sur un banc caché sous les arbres, et la forêt vient à moi, les feuilles, les branches des frênes conversent dans leur langage porté par le vent, la trouée d’eau verte de l’étang vrombit de mille élytres. Un planeur promène sa masse sombre juste sous les nuages, mon regard file tout là-haut vers la dentelle ciselée par le soleil dans le matériau végétal.
C’est la rentrée, la routine, l’agitation nerveuse et stérile. Le renouvellement de tâches devenues lassantes. Un instant encore, à se harnacher de sons comme d'un bouclier, une protection. Partir, dans le désordre de la pensée. Le monde, cotonneux, perçu comme un chatouillis…