Casse-tête chez Sherry: la barbe, et sujet-photo chez Miletune
Je suis plutôt démuni. Si je souhaite me cacher je « m’encoquille » et me dérobe entièrement aux regards. Je ne connais pas les artifices. Je n’en ai pas besoin pour circuler librement dans le potager. C’est l’unique endroit où je n’ai pas peur. En ce moment je suis à la fête, l’eau ruisselle sur mon corps lisse et j’aime me frotter aux nervures des grandes feuilles qui bordent le chemin. Je salive et ça se ne voit pas dans les flaques. Je rampe, me hisse et me tortille. Je n’ai pas de complexe, mes yeux antennes voient tout et je capte le jour sous une couche de chlorophylle. La lumière déposée sur ma maison me rend beau. Mon corps de limace a du caractère, je ne suis ni gras, ni laid, ni visqueux avec mon coffre, mon trésor de capitaine, sur le dos. Je suis le roi des terres mouillées à l’odeur forte, entêtante. Je les parcours comme on glisse sur l’océan.
Je me fonds au paysage, c’est inconscient, plus fort que moi. En protection contre les prédateurs, ces gobeurs d’escargot. Ma maison ne suffit pas à envelopper ma chair, là-haut on m’a fabriqué sans penser aux chocs et aux indiscrétions. Comme j'aimerais être menaçant et doux à la fois! Je suis sans barbe et sans mystère, coulant comme un serpent mais je ne sais pas faire de noeud qui enserre et massacre. Je me demande quelles sensations procurent ces poils drus, épais qui accrochent ou arrachent ce qui passe à portée. Je me demande ce que ça fait d’être une chenille. D'être une étape, en transit, de se découvrir autre ensuite. De pouvoir se raser.