Audrey Lamy. Son spectacle est bluffant. Pas dès le début obligatoirement, ça dépend du goût de chacun. Mais il arrive un moment où sa crinière blonde, ses mimiques, ses effets de gorge, de cuisse ou de ventre font mouche. On est pris aux filets tourbillonnants d’une sacrée bonne femme.
Pour moi, le spectacle était aussi dans la salle. Dans la rangée juste devant. Une mère et sa fille, toutes deux seules au spectacle, le soir de Noël. Tête contre tête et enfoncées dans leurs fauteuils, elles s’offraient une soirée d’exception, l’une à l’autre. De dos, elles paraissaient avoir le même âge. Les cheveux longs de l’enfant pendaient, indisciplinés. Ceux plus courts de la mère rebiquaient un peu raidis par du gel.
Avant que le show ne commence, elles s’étreignaient, s’embrassaient, se félicitaient de ces deux heures à vivre hors du temps. Dans les lumières, les applaudissements et la musique d’une soirée féerique. Elles commentaient le décor et les spots, se rengorgeaient de leurs places au deuxième rang, s’inquiétaient du retard pris par l’artiste. Avaient des éclats de rires, se tournaient pour apprécier la salle, s’embrassaient de nouveau. Je notai que la femme pouvait avoir trente- cinq ans, l’enfant douze ou treize. J’imaginai deux existences repliées, un amour fusionnel, un mari, un père, absent. Je supposai des larmes, une rupture ou un décès, un sentiment d’abandon, deux cœurs déchirés. Et le cocon de tendresse tissé par-dessus.
L’adolescente s’élança vers la scène au moment du salut, elle retenait son souffle, le cœur battant. Sa mère l’encourageait, oui maintenant, vas-y ! Elle brandissait un paquet, un cadeau enveloppé avec fièvre, mais Audrey Lamy, courbée sous les rappels, ne la vit pas. Alors, elle courut se réfugier auprès de sa maman, enfouissant son visage dans ses bras, au bord des larmes. Des spectateurs émus leur proposèrent de s’adresser au service d’ordre, ce qu’elles firent. Mon dernier regard fut pour elles, debout devant l’entrée des artistes, tandis qu’on évacuait la salle. Autorisées à se rendre auprès de l’idole, un air de béatitude sur le visage, elles vivaient la magie de Noël.