C’est ce qu’ils disent. Ils sont lucides, ils savent, les dents noircies, la gorge enflammée, les poumons tachés, les toux catarrhales. Ils admettent, ils conçoivent, ils haussent les épaules. Et sourient, désabusés. Parce que malgré tout ce qu’on entend ça ne les fera pas changer d’avis. Ils vont continuer. Le prix du paquet ? Et alors, ils se priveront d’autre chose. Le texte imprimé au bas ? Ca décore, ça ne fait pas peur. Aujourd’hui, il y a les images. Sensées choquer, écoeurer. Mais le geste, le papier qu’on froisse, la cigarette roulant sous les doigts, le briquet et la flamme, la fumée. Rien ne remplace le geste. Ca ils me le disent, à moi qui ignore tout de cette sensualité là.
Alors les images ne créent pas le malaise, le doute. Elles renforcent l’interdit tout au plus. La transgression, le tabou, rien de tel pour susciter le désir.
Quel miracle leur ferait écraser la clope sous le pied ? Certainement pas la maladie qui les pousserait presque à tirer sur les mégots, en pompiers. C’est qu’elle s’y connaît la perverse. Les raisonnements tordus, elle pratique à fond. Puisque c’est peine perdue, autant profiter de chaque bouffée comme du jour qui vient.
Certainement pas les amis ou les patchs, les gommes. Les uns débitent de beaux discours lénifiants, les autres apportent un certain « confort », comme les coussins sous les fesses. Ce qui compte vraiment c’est la volonté, c’est dans la tête, quand ça s’impose comme respirer, boire ou manger. Quand se passer de, c’est vivre. Quand vivre c’est décrasser chaque pore de sa peau et se découvrir léger, aérien. Pour cela il faut que l’existence soit douce, calme. Le stress de la vie moderne, hélas, ne le permet pas.
Il y en a qui font du yoga, tentent les massages ou se rendent au hammam. D’autres se mettent au sport, à l’acupuncture. Il y a ceux qui ont testé tout ça et ont renoncé. Qui fument. Dont la volonté est de ne pas avoir de volonté. Et dont le corps se révolte, nausées, tremblements, vomissements, quand ils essaient.
Ils font comme ils peuvent, ils s’arrangent avec eux-mêmes. Comme nous tous au fond. A chaque étape dans la vie, on compose, on a des petites combines. Pas toujours jolies. C’est humain, on essaie. Et tant qu’on ne nuit qu’à soi-même...