Le vent siffle dans les rues froides et silencieuses de janvier. Des nuages bas et opaques tapissent le ciel comme le capiton d’une cellule d’isolement. Je m’attarde devant les vitrines pour absorber un peu de lumière. Dans une pharmacie, une vendeuse baille, accoudée au comptoir. Des cris, des rires fusent soudain, printaniers, incongrus. Un groupe de jeunes roumaines, traverse la rue en courant. Avec leurs longues tresses et leurs écharpes rouges, elles ressemblent à des coquelicots hissant la tête hors d’un bouquet. Un groupe d’employés en costume devant la banque, les observe, souriant mais inerte. Puis hausse les épaules. C’est un matin ordinaire, un peu fatigué et lent à la détente. Un matin qui n’a pas le moral.
Peu surprenants alors, ces sacs bleus et dorés, gonflés par le vent, déchirés. Ces branches courbées, desséchées, ces épines collées au sol. Des arbres couchés, inutiles, des rois du trottoir, tombés pour la fête. Qui, il y a peu, en habit d’or et de lumière, fanfaronnaient dans les salons. Ils s’étalent comme des intrus, des sans domicile sous la tente. Ils barrent le passage et dérangent. Quelques- uns résistent encore dans les halls des immeubles, décorés comme de vieux poilus. Bientôt, les camions passeront pour mettre de l’ordre, rendre à la ville son éclat. Lui redonner le sourire et la préparer au printemps. L’année commence toujours par un grand nettoyage.