Ah cette manie qu’on a en province, de toujours vous demander d’où vous venez ! On vous épingle sitôt qu’on vous aborde. On vous répertorie, on vous classe. Et le ton qu’on prend quand on sait que vous êtes de la capitale, tient de l’admiration parfois mais le plus souvent, de l’ironie ou de la condescendance. On a besoin de se rassurer, on est mieux dans son patelin qu’à Paris. On respire, on se parle, on prend le temps. Rien ne vaut la nature et le calme, rien ne vaut d’écouter passer les jours.
A Paris, personne ne pose de question, peu importent les origines. Tu existes puisque tu es là. Tu portes un costume, une djellaba ou un boubou, et tout le monde le voit bien. Tu affiches tes origines, tu revêts « le dress » code social. Tu te fonds dans la masse comme une ombre. Et tu marches et tu cours. Personne ne t’arrêtes, ne t’entraves. Paris n’est pas New York où rien ne surprend. Si tu hurles, si tu gigotes, si tu chantes à tue-tête, quelqu’un se retournera, te regardera l’air surpris, puis poursuivra sa route. On ne va pas tout simplement t’ignorer, ne pas te voir. Mais si je réfléchis bien, à Paris on se fout un peu de toi, tu n’intéresses personne réellement. Les regards sont lisses, tu es un fantôme. A moins d’avoir su recréer, dans ton quartier, un coin de province, ou l’on papote, ou l’on échange, ou l’on se parle. Et que lorsque survient un étranger, tu saches dire : tu viens d’où toi ?
Je parle de Paris, j'écris, mais j'écoute les infos aussi. Je ferais mieux d’évoquer les grandes villes toutes, et de l’indifférence qui les caractérise. Quand je pense qu’un homme est mort à Strasbourg, il y a trois ans dans une tour, et qu’aujourd’hui seulement, quelqu’un s’en est aperçu.