Un après-midi d’août 2008, le ciel est gris et la Loire serpente longeant Amboise et ses tours. Puisque le printemps ne se décide pas ou parce qu’il prend son temps pour embaumer avril, j’ai décidé de feuilleter mon album virtuel et de m’arrêter à ce jour où l’été n’était pas convaincant non plus.
Car lorsque je regarde cette photo, j’ai tout de même le sentiment d’accompagner le fleuve, de me couler dans son lit et de fuir loin devant moi. De chausser des bottes de sept lieux, de grimper sur les toits des maisons et de saluer les arbres. De converser avec eux, de glisser sur les feuillages comme on glisse sur la neige. Je me vois parcourant les chemins de ronde du château, contemplant les siècles qui ont enduit les remparts de fumée grise et rongé la pierre. Des drapeaux fleurdelisés me caressent le visage et je suis la reine du jour. Tout me paraît démesuré, le ciel moutonne et me déroule un manteau ouaté, je n’ai qu’à m’élancer pour m’y lover, la Loire s’étale à l’infini. Tout me paraît minuscule et étroit dans les rues en filets, agrémentées de perles multicolores et scintillantes que sont les voitures. Tout me semble pointu et coupant, les toits, les cheminées, les tours. Tout est métallique et froid, tout est lourd, orageux, pesant.
J’ai envie de piaffer, de ruer, de m’envoler et de stopper net dans ma course, d’appréhender l’espace autour de moi comme en apesanteur, de ressentir de l’ivresse, la caresse du soleil sur ma peau et la fraîcheur du soir tombant. L’attente fébrile d’un printemps tardif est frustrante et grisante à la fois. Autant qu’une journée d’été durant les vacances, quand la lumière se refuse.