Aujourd’hui vous connaissez celui de Yann Barthès qui « porte un regard décalé sur l’actualité ». L’homme tronc de Canal plus se délecte des petits travers de nos politiques, ce qui est normal en cette période. Il en a les moyens, ses mimiques d’abord, sa bouille ronde et ses yeux pétillants sont des passeurs de fantaisie et de drôlerie. Les techniques télévisuelles, arrêt, stop, brouillard, retour, avance sur image sont des supports. Les applaudissements du public, de la vie sur le plateau, de la gaité, des encouragements. Les artistes, politiques, écrivains ou autres VIP, du grain à moudre. Et nous devant la télé, sommes ceux pourquoi, ou pour qui Barthès existe, dérange, perturbe, affole, offense. Il met le doigt en plein milieu du pot de confiture et badigeonne l’écran. A nous de décider si nous souhaitons avaler la tartine. Le succès est là car nous sommes gourmands pour la plupart.
En 1863, « Le petit journal » est un journal à un sou tiré à cent mille exemplaires à ses débuts, et créé par Moïse Millaud. Sa devise est : tout ce qui se dit, tout ce qui se fait, tout ce qui se passe sera dans le petit journal. Pour la diffusion en province, l’organisation du journal est confiée à Alphonse Millaud, cousin du premier et orateur-né. Ainsi chaque ville de France, chaque bourgade a un correspondant qui dirige une bande de vendeurs.
A la télévision, l’animateur est, lui aussi, aidé de correspondants, dont le nom nous échappe sitôt prononcé. Dans le petit journal de 1863, il y a une chronique judiciaire tenue par Victor Cochinat, déjà évoqué dans l’un de mes articles, Charles Monselet et Henri Nouguier. On y trouve un roman sous forme de feuilleton, comme le fameux Rocambole de Ponson du Terrail. Un scientifique : Herald, un politique : Escoffier, un correspondant avec l’étranger : Georges Stenne. Et un chroniqueur populaire, celui-là est un peu l’ancêtre de Yann Barthès. Il s’appelle Léo Lespès et a pour nom de plume Timothée Trimm. Il doit chaque jour « prendre le fait le plus saillant, en tirer des enseignements, causer avec bonhommie à l’occasion, saupoudrer d’esprit gaulois cette causerie écrite forcément avec rapidité et composée également de faits et d’impressions ». Mais il ne doit égratigner personne, plaire à tout le monde, amuser, moraliser, instruire…Car les gouvernements de l’époque ne souffrent aucune critique et la presse est souvent censurée.
Timothée Trimm.
On ne peut pas comparer les modes de diffusion de la pensée au XIXème siècle et aujourd’hui, de même, l’information télévisée et l’information écrite ne se valent pas entièrement. Pourtant, informer et amuser, instruire, inciter à réfléchir, amener le lecteur ou le téléspectateur à formuler des questions, demeurent une ligne directive. Cet objectif commun est atteint de manière totalement distincte. Le succès du petit journal de Millaud était dû à son conformisme qui permit sa large diffusion. Celui de Yann Barthès provient de son impertinence à la télévision. Privilège que notre époque, nos mentalités, notre droit à la liberté d’expression autorisent.
Sources: LA CHRONIQUE ILLUSTREE du dimanche 6 septembre 1868, Wikipédia.