Pour commenter le tableau de Daumier, sujet de la quinzaine, proposé par Miletune
Le sourire en pleine lumière d’une hydre à trois têtes happe le regard. Un sourire décomposé et pourtant harmonieux comme le discours persuasif, éloquent d’un expert du barreau. Chaque visage a l’éclat de la justice, la certitude tranquille du bon droit, et le port de la robe accentue la majesté des traits. Ces têtes pensantes et dodelinant crèvent la toile, on les toucherait presque. Elles demeurent indifférentes cependant, centrées en elles-mêmes, conscientes de leur importance, de leur pouvoir. Une sorte d’orgueil de caste, de clan, ou l’adoption d’une stratégie, une attitude de circonstance.
Les cravates, les documents portés près du cœur, comme autant de preuves de foi et sincérité, offrent à la scène un air de virginité. Voyez comme la bête se donne et dépense une énergie folle dans la défense du citoyen ! Derrière la porte close dans son dos, l’étendue de son talent s’exprimera tout à l’heure. Elle rencontrera le public, envoutera l’auditoire, c’est presque gagné. Un halo doré, éblouissant se répand sur ce corps monstrueusement efficace. Et lorsque les têtes seront toutes trois auréolées de lumière, elles tourneront lentement. Elles nous ferons face, nous fixeront, un rictus carnassier appliqué à l’endroit sacré de la parole.