….C’est aujourd’hui. Voilà ce que j’ai retenu du film Gatsby le Magnifique, version 2013. J'y ai vu la passion amoureuse, la fraîcheur, la naïveté, les barrières sociales teintées de racisme, le plaisir et la fête, les illusions perdues, la corruption, le narcissisme et l’irresponsabilité mondains, le luxe, la condition féminine, New York émergeant de la poussière et de la souffrance. J'ai plongé dans la piscine, ce carré de ciel bleu dans lequel se noient nos espérances, je me suis agenouillée devant ce Dieu à lunettes qui voit tout, trop. Il y a des regards, de l’émotion, de la violence contenue, de la lumière, des voilages aériens, du cristal, des rubis, l’alcool coule à flot et les filles sont trop maquillées. Sauf Daisy peut-être, si fragile, un rien coquette, indécise, contrariée. Malmenée ?
Et si je te disais, vieux frère, que Gatsby s’arrange avec tout ça, qu’il évolue au rythme du rap et des chansons de Beyonce, de paroles susurrées par Lana Del Rey. Ses chemises ne sont belles que défroissées, ses cheveux gominés rappellent Laurent Delahousse, sans la houppette. Ses belles manières cachent des habitudes de caïd de banlieue, une horloge fracassée laisse supposer que le temps n’existe pas, et le téléphone traîné au bord de la piscine est déjà portable. Et si j’affirmais que Léonardo di Caprio est à la fois Scott l'élégant, et Redford le ténébreux. Que Carey Mulligan est moins évaporée que Mia Farrow, aussi lucide ou folle, mais n'est-ce-pas la même chose, que Zelda. Si je prétendais que Nick et nous, sommes ballotés par un monde qui ne demande qu’à nous broyer. Ah cette épingle de cravate sertie d’une molaire, portée par un mafieux dans le film. Tout un symbole ! L’époque s’efface devant le récit, les blessures intemporelles, les douleurs insoutenables, le passé inoubliable. Devant hier, aujourd’hui, demain et toujours. Au son de la trompette, une espèce de fatalité nous ralentit et nous pèse, comme dans les romans de Faulkner. Alors oui, j’apprécie cette version du livre, au Charleston plus qu’épuré, et dont les personnages me hantent encore.