Pour illustrer la photo-sujet de la quinzaine chez Miletune
Derrière nos petites mines sommeillent de grandes idées. Quand on nous regarde comme ça, tête contre tête, assemblés comme dans les palettes de produits pour maquillage ou pour peinture ripolinée, on détaille les couleurs de l’arc en ciel. On dirait une cocarde multicolore, un rassemblement populaire. Liberté, égalité, fraternité, vous connaissez. Voilà notre message, nous offrons tout plein de tons différents et nous nous embrassons parce que nous nous ressemblons.
Tenez moi par exemple, le crayon jaune, j’ai le teint cirrhotique c’est vrai, mais je me porte bien. Et pour la photo j’ai fait un effort, comme les autres. Nous sommes des mannequins, taille standard, mine standard, longueur standard. J’ai appris à poser, dans un abandon étudié, en respectant une distance raisonnable avec mes compères. Nous devions exprimer nos différences, et permettre à l’objectif de capter toute cette lumière diffractée et de sublimer le rendu sur le papier du comportement des ondes. Nous avions pour consigne de ne pas abimer nos carnations rose pâle et de les habiller d’un fourreau coloré de la même nuance que nos mines. Et ni bourrelet, ni pli, un touché laqué et lisse. Dociles, immobiles, distingués, ne trouvez-vous pas que nous avons le chic et l’élégance, le prestige ?
Alors bien sûr, le résultat est une jolie photo, pour le message. Car au fond, entre nous et les humains, il y a certains points communs. Dans le monde réel, on trouve de grands crayons, des gros, des courts, rongés ou métalliques, handicapés, de petites mines, cassées, usées. Mais un crayon reste un crayon, avec sa mine, son corps en bois, sa taille qui diminue en vieillissant. Et quand tous les crayons du monde s’embrassent c’est fraternel, comme sur la photo.