J’ai déjeuné avec une amie l’autre jour, qui me racontait son voyage en Argentine au mois de décembre. Je ne détaillerai ni les lieux enchanteurs, ni la moiteur, 40 degrés à Buenos Aires, ni les rencontres savoureuses qu’elle a pu faire notamment dans des salles de tango ou de salsa. Passionnée de ces danses qu’elle pratique régulièrement à Paris, elle souhaitait, je pense, les aborder dans leur cadre originel et authentique. Car ces danses sont tout autant travail et technique, qu’approche mesurée selon des codes particuliers emprunts de séduction. Mais ce n’est pas ce qui a retenu mon attention. Elle ne m’a pas montré de photos, cité d’endroit caractéristique, ni indiqué ce qui l’avait marquée. Ou alors je n’ai pas suffisamment écouté. Non, ce qui m’a fascinée, c’est son aptitude au voyage en solitaire, billet d’avion en poche et guide du Routard dans le sac à dos. Elle avoue un besoin de fuite en avant, oublier sa vie d’ici, se fuir et se découvrir autre, ailleurs.
Alors elle circule en train ou en car, se nourrit de fruits le plus souvent, sélectionne hôtels et auberges de jeunesse. Elle ne sait pas où elle dormira le soir ni même où elle s’arrêtera le lendemain. Elle sympathise avec l’habitant, échange quelques mots d’espagnol, se lie le temps d’une étape à d’autres français. Elle aime voyager seule, marcher longtemps, prendre des photos. Il y a ce besoin d’exotisme et un dépassement de soi dans le fait de se débrouiller seule. Il y a de l’introspection, du courage, la recherche d’une identité, d’un équilibre. Je l’admire, parce que je me sais incapable de me lancer, seule, dans de tels projets. Parce que je suis peureuse et imagine toujours le pire. Parce que j’ai envie de parler, de m’extasier, d’attraper le bras d’une compagne ou d’un compagnon de voyage, de donner mon opinion de franchouillarde à un autre franchouillard. Parce qu’il me faut la présence d’un ami, d’un parent, d’un chéri. Parce pour moi voyager c’est partir avec l’autre. Mais au fond je sais que ce qui compte c’est de partir. Et revenir avec des souvenirs, des expériences, une ouverture d’esprit, permettant de rendre le quotidien supportable. Jusqu’au prochain départ…