Pour illustrer le tableau-sujet de la quinzaine chez Miletune
Edward Hopper
Celui-là est américain. Alors c’est autre chose. Il n’y a rien à admirer chez lui. Pas d’architecture particulière, de majesté, pas de passé. Il semble dérisoire, n’est même pas perdu. N’a pas l’étoffe des géants solitaires. On n’y débarque pas hélitreuillé comme aux phares d’Armen ou de la Jument. Il y a trop de bâtiments autour, de toits, de cheminées. De vie en dehors et tout près. Il n’est pas cœur battant. Il est fonction, chiffres, calculs. Il est propre, impeccable, entretenu comme tous les phares. Il n’a qu’un dieu, la lumière. Il est à son service et guide les marins. Ici, pas de lit, de pantoufles, de photos, de livres. Ca se devine, ce côté technique, machines, radios. Il y a le phare, ses murs épais brisant des lames d’eau salée, et la maison à côté. Dehors l’humain. Ce phare-là n’est qu’un bloc.
Cependant il domine, comme le clocher d’une église, il rassemble, il fédère. Comme il est accessible, on vient le consulter. Il apprend la mer aux terriens. La mer, on l’attrape tout là-haut par les yeux. On lui montre qu’on est fort, au-dessus d’elle et près de Dieu, le vrai. Il y a de la prétention à grimper dans un phare, de l’arrogance, un sentiment de puissance. Ca donne le vertige, toute cette écume, ces vagues fracassées au pied, adoratrices sacrifiées. Alors on imagine la nuit, tous ces feux, ces signaux, ces nœuds sur le littoral. Aussi beaux, aussi doux que des rubans dans la chevelure d’une enfant. De beaux repères sautillants.
Il me plaît ce phare, en fin de compte. Il n’a pas d’histoire comme Le Stiff ou Cordouan. Il n’a pas la vie en dedans, mais il éclaire le jour comme il allume la nuit. Dans ce tableau, le ciel a une couleur d’eau de vaisselle et les bâtiments semblent enfoncés dans la toile. Lui se détache, triomphant. On dirait qu’il bouge, qu’il rayonne, emportant nos rêves.
Clin d’œil à l’exposition PHARES qui s’achève bientôt au musée de la Marine, à Paris.