J’ai revu un ami l’autre jour et ça m’a fait tout bizarre. Il avait une barbichette grise d’ayatollah que je ne lui connaissais pas car il souhaitait changer de look. Mais ça me démange, il a dit, je vais tout raser. Hum c’est bon quand ça passe et que ça vous refait une peau de bébé, ce bonheur. Il se grattait la paume de la main avec ses doigts rentrés dedans en disant ça et puis il s’est tamponné les deux genoux de jouissance.
Je me demande ce qui se cache derrière la barbe ou la moustache des hommes. Et comment ils décident un jour de les laisser pousser. Pourquoi ils les rasent aussi. Cachent-ils un défaut physique, se protègent-ils ? Est-ce une tactique de séduction ? Qu’ont-ils à y gagner ? Le désir de se différencier ou de masquer une différence. Ou rien de tout cela.
Je repense à ce film d’après un roman d’Emmanuel Carrère ou le héros, portant moustache depuis toujours, s’en défait un beau jour, et autour de lui, personne ne réagit. Complot contre lui ou folie du héros ? Cet accessoire n’en est pas un. Il est la marque de l’individu. S’il décide de s’en débarrasser, c’est une évolution personnelle, un acte réfléchi.
En revanche, mon ami s’est laissé pousser la barbe par coquetterie puis l’a rasée avec désinvolture. C’était un passage, une lubie, une envie soudaine. Un « ras le bol ». C’était : pourquoi pas ?
Je pourrais tenir le même raisonnement à propos de longues crinières féminines sacrifiées symboliquement afin de tirer un trait sur la vie d’avant ou comme ça, pour changer.
Alors tout aussi symboliquement, je m’interroge sur ce qui nous motivera les 22 avril et 6 mai prochains. Certains voteront par conviction, idéologie, après mûre réflexion. Et d’autres penseront : pourquoi pas ? Ils seront nombreux.