Il arrive parfois qu’on prenne la voiture et qu’on dise on va se balader, on s’arrêtera quand on en aura envie. Ce sont les vacances, il fait beau, on a juste besoin de lumière, de couleurs et d’oxygène. Cette fois, on a choisi les Pyrénées, direction le Cirque de Gavarnie. Le trajet, sur la route, est semé de ruisseaux clignotants, de rivières clapotant, de campings gravitant le long des berges.
Enfouie sous les grands arbres à flancs de montagne et tutoyant les pins, j’aperçois une maison de bergers, son toit pointu et l’unique fenêtre dans le mur qui luit comme l’œil d’un cyclope. On dirait une vieille dame au spectacle de sa rue, cachée derrière un rideau de verdure ployant au vent, comme repoussé par une main tremblante. Tout là-haut, les Pyrénées abritent des tapis de neige, allongés, bien à plat, qui prennent le soleil.
A Luz-Saint-Sauveur, petite halte et repas sur une terrasse au-dessus d’un ruisseau caracolant sur les galets, moussu et baveux comme la langue d’un chien qui a bu.
Ensuite direction le Cirque. Mais en amateurs, en touristes farfelus,c’est-à-dire, partis sur un coup de tête, un matin comme ça sans prévoir. La promenade dure trois heures trente, nous n’avons pas de chaussettes. Résultat, nos pieds en sang dans les baskets, et des douleurs aux mollets. Nous n’avons pas de sac à dos ni de casquette, et manquons défaillir sous le cagnard.
Mais le parcours est enchanteur, les sentiers se maquillent comme des reines de carnaval, une touche de blanc-marguerite pour le fond de teint, de rouge fourni par le sureau à grappes, de jaune grâce au pavot de Californie et de bleu nuance buddléia.
Nous croisons des randonneurs polis et souriants, nos glissades sont plus cocasses que dangereuses et nous avalons des goulées d’oxygène naturel.
Arrivés au point de vue, nous avons le sentiment de vivre un instant qui compte. C’est la parade du cirque ! Sur la piste sableuse tournent les pins les plus hardis, les plus jeunes peut-être. D’autres, volumineux leur font une haie d’honneur. Tandis que les plus âgés, dressés à flanc de montagne jouent les spectateurs. Au sommet du chapiteau, on a dessiné une ville fantôme écrasée de lumière. Et notre regard se perd au loin, comme celui d’enfants ébahis.