Attente sous la pluie, un froid de canard, une fouille au corps épique, un musée aux larges baies de lumière et une exposition permanente au milieu des enfants, des fauteuils roulants, de flamands hilares, de gardiens zélés et parfois autoritaires. Et Rubens, lumineux, volcanique, tourbillonnant, magique. Rubens peintre baroque, flamand, connu pour ses portraits, ses études, son sens du décor. Voici quelques tableaux qui m’ont particulièrement touchée.
J’ai découvert Rubens le diplomate, pour lequel traiter « des affaires » passe par la peinture. Ainsi ce portrait d’Anne d’Autriche vers 1622, au visage bondissant hors de la toile, au plastron chatoyant sous le fil d’or.
Ou bien cet autre encore, dont le velours empesé caresse l’ Altesse et flatte sa posture.
Devant ce "Christ sur la croix",1610-1612, j’ai entrevu le Catholique, peintre des martyres. De la souffrance dans les muscles pâles et saillants, reproduits avec une observation exacte de l’anatomie humaine, dans ces yeux révulsés et rougis, cette bouche si expressive qu’on croirait entendre un râle. Et le linge au tour de la taille, tache immaculée et torsadée signe le dénuement de l'homme devant la sauvagerie de son semblable.
Cette « Vierge à l’enfant, entourée des saints innocents » semble entraînée dans une ronde potelée, grassouillette et protectrice où l’or, le rouge et le bleu apportent douceur, grâce et légèreté.
Rubens grand voyageur, érudit, curieux, analyse froidement les guerres et les hommes à la tête des états. Il célèbre les vertus. Ainsi « La paix étreignant l’abondance », 1633-1634, est une représentation flamboyante aux drapés virevoltants qui s’épousent aussi parfaitement que les bras s’enlacent. Un élan sublimé par les torsades branlantes du monument en arrière-plan, les chevelures bouclées et clignotantes des personnages, et cette corne lovée dans les draps au premier plan.
En européen fin connaisseur de l’Italie de la Renaissance, Rubens rivalise avec Michel Ange et le Titien. Et l’œuvre bouleverse : plénitude des corps, extase amoureuse, classicisme des traits, jeu intense des regards. Ainsi « Vertumme et Pomone » 1617-1619. La nymphe Pomone est insaisissable, désirable, impassible. Elle s’offre, se refuse et la caresse impossible est crispation dans la main du roi d’Etrurie, Vertumme.
Pour terminer ma brève incursion dans l’univers de l’artiste, j’ai observé ce tableau représentant sa femme, en parallèle avec le » Méduse » de Bernin qui se profile comme disciple de Rubens. Même intensité, même admiration pour les maîtres de la Renaissance. La tête inclinée et le front nu d’Hélène Fourment, dépassant du col de fourrure, ont quelque chose de solaire et d’irréel. Et l’on ressort de cette exposition l’œil pétillant, et avec un regard nouveau, avide de rencontres, de génies, découvreurs du corps, de la lumière, de la douleur, du sentiment amoureux, passionnés d’antiquité, de décors et d’espace.