On nous les présente comme des héroïnes et des victimes de l’actualité politique ou climatique. Elles sont jeunes, belles, et paraissent démunies. Comme pour dire, la vie nous a placées là, elle nous a figées pour la postérité. Elles sont saisies dans l’instant, en un sursaut, dans l’émotion. Comme les amoureux de Doisneau. Sauf que…
Elles fouillent nos consciences, pas leurs prunelles réciproquement. Les joues sont pâles, les lèvres serrées, le regard fixe, hanté. Et le voile ou le drap qui les couvre signe la fragilité et la dignité tout à la fois. Elles intimident la caméra et la toisent, je les entends crier. Elles ne réclament ni la pitié, ni la charité. Elles témoignent simplement. Dans leurs yeux, grands ouverts ou cachés à moitié par une frange, il y a un éclat, une flamme, de la vie. C’est cette nécessité de revanche sur les événements qui les porte. Ces événements se lisent sur les photos, le voile rouge de l’afghane aux couleurs d’un peuple qui saigne, l’enchevêtrement de bois et de carrosserie autour de la japonaise marquant le chaos d’un pays éventré. Ces photos font et continuent de faire le tour du monde. Ce qu’elles véhiculent devrait nous booster, chaque jour, dans nos vies modestes et sans histoire. Sans autres histoires que nos petites misères. Je n’aborde pas les problèmes de santé contre lesquels nous ne pouvons rien. Dans ce domaine, je m’en tiens à la citation de Chamfort : « Mon Dieu, épargnez-moi les douleurs physiques, les douleurs morales, je m’en charge ».
Ces jeunes femmes ont une force incroyable, elles sont droites, résolues. Elles symbolisent un univers à reconstruire sur des ruines. Elles nous insufflent l’allant, le courage. Une sorte d’énergie qui vaut bien des vitamines.