Pour ce 107ème défi, ABC nous invite à parler de : rien. Je me suis inspirée des paroles de « Shangaï Palace », une chanson (sortie en 1996), d’Isabelle Mayereau, artiste discrète que personnellement j’adore.
Elle jouait au mah-jong
Au Shangaï palace
Elle changeait de nom
Pas laisser de trace
Elle buvait du thé
Et des cocktails maudits
Se photographiait seule
Nappée dans la magie
Hong-Kong, Shangaï,
Macao, Baie d´Along,
Lisbonne, Coimbra, Venise
Elle explorait les villes
Les chemins indiscrets
Dévoilés au pencil
Sur du papier glacé
Elle aimait aussi
S´étirer au soleil
Sans le peignoir rayé
Marqué du nom de l´hôtel
Berlin, Amsterdam,
Saint-Pétersbourg,
Vienne, wagon 17, cabine 12
Elle posait ses empreintes
Sur les beaux cuirs usés
Des boudoirs demi-teintes
Le goût des voix feutrées
Quand loin lui faisait trop
Elle aimait revenir
Dans les jardins secrets
Cachés dans son cachemire
Dublin, Oslo, Stockolm,
Moscou, Barcelone,
Madrid, Munich, Rome
Les soirs de chair de poule
Elle glaçait l´Frascati
Elle voyait Istanbul
Un peu de Sainte-Sophie
Elle reprenait la route
En voiture et chauffeur
L´amour, il n´y a pas de doute,
Ça lui faisait trop peur
Pera Palas Hôtel, Metropol Taj-Mahal,
Savoy Ritz, Danieli Plaza, l´Oriental
Rambagh palace, le Continental.
Je trouve que ça illustre bien une certaine idée du « rien », lorsqu’une vie aisée et commode, la facilité et l’argent n’apportent plus ou peu d’exaltation. Les voyages ne sont que déplacements pour combler le vide, les hôtels des écrins, des fourreaux afin qu’aucun événement ou rencontre ne perturbe un état confortable et léthargique. On peut imaginer que ce « rien » est un choix de vie, un refus des souffrances et du risque. Ou la crainte d'une punition, d'un châtiment, cette femme se cache, se dérobe. C'est peut-être une espionne, une Mata Hari, une personne d’âge mur lassée du spectacle des humains… Observer le monde avant de s’y jeter, s’en détourner après y avoir goûté jusqu’à l’écoeurement…
Ce « rien » est mouvement, fuite, mise à distance. Avec mon imagination de midinette, j’invente de longues robes de mousseline, des chapeaux à larges bords, des châles, des boucles de cheveux roux couvrant les épaules. Je crée un personnage évanescent et secret qui rend les hommes amoureux. Une sorte de Madone, une Zelda inaccessible, à moins qu’il ne s’agisse d’une jeune fille à la recherche d’un temps à venir et dont les fleurs ont fané.
Chaque fois que j’entends cette chanson, dans ma tête, je bâtis sur rien.
PS: j'ai bien un CD comportant cette chanson mais elle est introuvable sur le net!