Pourquoi t’es-tu caché, ce matin-là ? J’avais pourtant besoin de tes rayons sur ma peau, de ta caresse. Cela m’aurait aidé que tu fasses un effort, que tu compatisses. Parfois il y a des jours de m…, où tout s’y met. Et toi, tu en as rajouté. J’étais plantée devant la boutique avec mes clés dans la main. J’avais l’air cloche, je regardais bêtement le rideau métallique qui refusait de se lever. Et les passants avaient leurs mots. Encouragement, agacement, moquerie et colère même. Et bien oui, c’était fermé et ça embêtait tout le monde.
« Vous ne faites rien, pourquoi c’est pas ouvert ? Et c’est quand que vous ouvrez ? » J’avais envie de répondre, à la Bigard « Ben oui, c’est fermé, vous ne voyez pas, et puis je reste assise là, à attendre que ça se passe, que le bon Dieu fasse un miracle ! »
Parce que le dépanneur quand on l’appelle un samedi, il est débordé. Il dit qu’il arrive dans un quart d’heure, et on l’attend une heure et demie. C’est l’été, il fait chaud d’habitude mais l’autre avait choisi de se cacher. J’étais gelée dans ma petite robe courte. Le premier dépanneur a crié : « oh, la la ma pauvre dame, c’est pas une serrure c’est un rideau métallique, j’peux rien pour vous ! j’appelle un confrère »
J’ai attendu encore, avec ma petite apprentie. Je tremblais, un commerçant voisin de la boutique est arrivé avec sa petite bouteille d’huile qu’on met dans les serrures. Et qui n’a servi à rien. Le marchand de fruits sur le marché est venu avec un grand costaud. Qui n’a servi à rien. Une mamie, très remontée, a plié ses genoux arthrosiques et s’est mise à secouer la serrure de toutes ses forces. Sous l’œil goguenard du grand costaud. « Nous on n’est pas arrivé, et elle croit qu’elle va y arriver, elle ! »
Dorothée, la vendeuse de légumes, est arrivée avec une polaire qu’elle a posée sur mes épaules. Et Mme S., une mes clientes, a apporté sa bouteille thermos avec du sucre et des tasses à café. Magnifique la solidarité de quartier ! Ca compense. Parce que s’il avait fallu compter sur toi vieil ingrat, j’aurais gelé sur place !
La porte a été débloquée à midi moins le quart. Le samedi j’ouvre de neuf heures à treize heures. J’aurais mieux fait de rester couchée. Enfin ! Mais tout ce brouhaha autour de moi, les gens qui râlent ou sont pleins de bonne volonté, et apportent un réel soutien, ça fait chaud au cœur. C’est de la vie et ça grouille. Ca aide à ressentir que, sans les autres, on n’est pas grand-chose.