Mon grain de sel n’est qu’un avis de plus à diluer dans un potage déjà très épicé. Pourtant je me lance, comme une commère. Parce que la page ne discute pas, ne contrarie personne, elle se laisse imbiber de mots.
On dit DSK, on écrit, on moque, on condamne ou on absout. Chacun selon ses critères, ses convictions, son appartenance politique. Selon son sexe ou son rang social. Trois lettres ont volé son identité à un homme. J’ai le sentiment de parler d’une banque ou d’une compagnie d’assurances côtés en bourse. Sans jeu de mots graveleux. J’imagine tous ces loups guettant la chute, pendus au téléphone, rachetant ou vendant du DSK. Je les vois dans des bureaux sans fumée, tombant la cravate, scotchés à l’écran de leur ordinateur.
J’ose à peine évoquer les petits épargnants au bout de la chaîne, qui de toutes façons se font gruger. Vous, moi, qui suivons les péripéties dans les journaux avec plus ou moins d’intérêt. Parce que nous n’avons pas tous misé sur cette action-là. Sur ces idées, sur cet homme, précisément.
Et Dominique derrière DSK, c’est qui au juste. Monsieur Sinclair, un grand politique, un économiste, un séducteur ? Seul face à lui-même, que ressent-il ? Je me demande quels mots, quelles phrases le font tenir debout. Le soutien bienveillant des proches, l’argent, la notoriété est-ce que ça construit un homme, est-ce que ça le fortifie ? Quand la télé réalité happe un individu, elle le malmène forcément. Il doit faire bonne figure, se battre coûte que coûte. Or Dominique s’appuie sur des pointures du barreau, il a déjà été confronté au scandale. Ce n’est pas quelqu’un de fragile. Et il a des critères, des valeurs, qui l’empêchent de flancher.
Je me demande ce qui motiverait monsieur Lambda s’il était mêlé à tout ce cirque. S’il avait abusé de son pouvoir, si des femmes avaient eu à se plaindre. Pas facile de se mettre à la place de. Le bien, le mal, ce qui est juste ou pas, tout est relatif. Nous aurions tort de croire qu’il existe une vérité universelle. En réalité, nous naviguons sans capitaine mais équipés de bouées, sur l’océan de nos vies. Certains appellent ça la résilience. Je préfère détermination, instinct de survie. Petits arrangements avec soi, quand ça n’est pas joli, joli. Peu importe, que l’on se tienne à la poupe ou à la proue du navire, la règle est de s’accrocher au bastingage. Et de flotter quand on a passé le bord. Dominique a compris cela bien sûr.