Le tour de Guadeloupe, au mois d’août c’est sacré. Les mordus s’installent sur les bas-côtés de la route. Des tabourets, des pliants, des couvertures à terre. On attendra les champions toute la journée s’il le faut. Les voitures sont garées de guingois, mordant la route et la terre. Des passionnés, harnachés de casques et de genouillères, piaffent, faute de courir. Les femmes ont prévu bouteilles d’eau et Kways. Il pleut, normal en août. Les gendarmes, blancs pays ou appelés, portent des shorts bleus sur leurs guiboles velues. De grandes capes leur chatouillent le mollet. La route de la Traversée offre une belle vue sur la montagne et la température a faibli de 33 à 26° depuis Gosier. De grosses gouttes chaudes s’écrasent sur les feuilles immenses des siguines blanches et sur nos bras quand nous baissons la vitre de la voiture.
Nous atteignons la ferme aux ouassous. Le parc aquacole est immense. Constitué de bassins étagés, il permet l’élevage des ouassous, ces délicieuses crevettes de Guadeloupe. L’eau s’écoule de bassin en bassin et se jette dans la rivière. Les ouvriers pêchent les ouassous au filet.
On apprend à distinguer les mâles dominants, les femelles porteuses d’œufs oranges ou marron foncé. Les œufs éclosent si l’eau est salée à 35 pour mille.
Le visiteur peut pêcher le rouget si le cœur lui en dit. Mais la partie est cocasse, les pêcheurs rient aux éclats, une radio allumée déverse ses commentaires sur le tour, le soleil tombe dru sur nos têtes, une libellule volète de ligne en ligne et le voisin s’écrie, moi j’en ai un ! tandis que sa ligne remonte mollement, dédaignée par un rouget vicelard.
Pause repas. Tit punch, ça s’impose. Ouassous, sauce au court bouillon, succulent ! Riz, salade, sorbet coco, café. Un bain de mer avant la digestion. Imprudent ? Et puis zut ! Un petit somme sous les flamboyants.
Au retour la route est mouillée et fume, la montagne aussi. Ah, ce sentiment de voler à travers les nuages, comme le père Noël sur son traineau…. Avons-nous rêvé cette journée ?