Pour répondre au défi 109 lancé par Fanfan, depuis son blog.
Je savais, en arrivant, que personne ne m’accueillerait. Il n’y a plus de gardien dans les phares, il n’y a plus d’âme. Il m’avait invitée pour me tester, me déstabiliser, jouer avec moi. Et j’avais envie de jouer, je crois. Au pied de cette tour carrée et massive, j’étais toute menue, perdue. J’aimais cette fragilité, qui était celle des gardiens d’autrefois. Je me complaisais dans la solitude de l’être soumis aux caprices des éléments. Je me doutais bien qu’il ne serait pas là.
Avec son caban et son bonnet de travers, il avait de l’allure. Il se disait gardien de phare, le dernier gardien corse, ce qui me faisait sourire, avant automatisation du lieu. Si je voulais dîner en écoutant se fracasser l’écume, si les embruns et le bleu de la mer immense, autour de soi, me tentaient… Si la nuit mouvante et glacée m’attiraient… Si l’odeur d’iode et les baisers de lumière m’excitaient…
J’avais grimpé ces escaliers métalliques lentement, je dirais plutôt d’un pas tranquille comme si c’était habituel. Harassant, monotone, habituel. Toutes ses paroles, ses bobards me revenaient en tête. Des regards très appuyés, les yeux mouillés, des larmes versées. Les babioles offertes, le cœur sur la main, les messages enflammés sur mon téléphone. Je n’avais pas cru à notre histoire, il y avait une anomalie, quelque chose, je me trompais. J’étais là, cœur battant, avide mais résignée. Amoureuse, humiliée. Et joueuse. Dans cette bâtisse immense et blanche, dominant l’océan, fouettée par le vent, je me savais invincible. Au sommet, dans la tour de verre, je l’aperçus derrière l’enchevêtrement des loupes. Une ombre clignotant dans la nuit. J’écarquillais les yeux. Il me fixait d'un air narquois :
- C’est ma dernière nuit dit-il, j’ai envie de la vivre comme une illusion. Et tu ne crois en rien, pas même en moi. Tu es parfaite pour entrer dans mon film… A moins que…