Pour Michel sur le site de E-criture selon le thème : Chaleur
C’est le soir, entre les murs étouffants de la chambre que je la ressens le plus. Comme si des vagues de canicule s’étaient accumulées toute la journée, constituant ce lourd édredon de plumes dans lequel on s’emmitoufle l’hiver, et qu’on rejette sans état d’âme dès les premiers beaux jours.
Au sortir de la douche, la moiteur est déjà sur moi. Je me sens fraîche et propre, détendue, lavée d’une journée harassante, et déjà collante. Ma lampe de chevet fonctionne comme un radiateur, alors plongeant la pièce dans l’obscurité, j’attends que le sommeil vienne. J’ouvre un volet car j'ai le sentiment d’expirer de l’oxygène comme les plantes. Mais cette trouée noire dont les yeux lumineux scintillent au loin n’est même pas vivante. Pas un souffle, pas une brise. J’entends le miaulement long et insistant des chats de la rue, j’écoute gémir les heures. Un piano hulule dans la nuit, tantôt plaintif et pleurnichard, tantôt enjoué, comme dans les romans de Carson Mac Cullers. Mais nous ne sommes pas en Géorgie, aucune voix grave, rayée et chaude ne l’accompagne en célébrant le Sud. Je me poste à la fenêtre et tends les bras vers le gouffre humide qui me happe. Les arbres sont des paravents immobiles et font obstacle à la pluie qui se risque à trouer les nuages. Une odeur enivrante de braise me monte aux narines, c’est la saison des barbecues et j’ai faim soudain. Les fortes chaleurs me coupent l’appétit, habituellement. Cette fois la nuit a un parfum de terre, de poussière et d’herbe mouillée et je salive. Mais je suis bien trop lasse et molle pour retourner dans la cuisine. Je m’allonge sur le lit et écarte le drap dont le contact sur ma peau est une torture. Je soupire, accablée par cette nuit qui ne se décide pas à fraîchir. Je sursaute et rallume la lampe précipitamment. Une coccinelle se promène sur ma main, confiante, puis s’envole un peu plus loin sur le drap. De mon lit j’aperçois un réverbère dans la rue et la nuée d’insectes tournoyant autour. Un éclair zèbre le ciel, l’orage ne va pas tarder. En attendant je suffoque, et branche le ventilateur qui vrombit comme un petit avion. Je ne réussirai pas à dormir, au moins son haleine tiède entretiendra-t-elle ma torpeur.