Ce pourrait être n’importe quel bord de mer au soleil. Un ciel bleu, des bâtiments aux murs blancs, des palmiers ronds et épanouis. On pourrait en faire une carte postale. Prétendre que c’est le Maroc, la Grèce ou l’Espagne, se représenter la Corse ou la Côte d’Azur. Des photos comme celle-ci sont faites pour voyager et s’échouer dans des boites aux lettres, véhiculer des messages d’amitié et de courtoisie. Elles apportent une part de rêve, parfois on les emporte au bureau, elles constituent une parenthèse au cours d’une journée ordinaire et morose. Et c’est parti : les embruns, la nappe de chaleur au loin, au-dessus des vagues argentées, le ressac, les feuilles de palmiers dodelinant, le cri des mouettes, la sueur au goût salé perlant dans le cou, les lunettes de soleil, l’odeur de crème solaire, la glace à la vanille, Lolo et Titi faisant les pitres devant l’objectif, les lingettes rafraîchissantes dans le sac à dos, le chapeau de paille, mamie en short, les soupirs de papi à qui la marche ne réussit pas, les explications du guide, les plaisanteries grivoises du bout en train de service, un voilier perdu tout seul, de l’eau clapotant à perte de vue, l’horizon et sa ligne coupant le ciel, le va et vient des curieux et des touristes.
Parce qu’on ne voit qu’un cliché, on imagine tout. Parce c’est nulle part, c’est forcément quelque part en soi. Une page blanche ou une toile vierge à barbouiller d’anecdotes et de souvenirs. Et cette photo impersonnelle devient tout un univers.