Paul Valéry a dit : "Tout ce que tu dis parle de toi. Singulièrement quand tu parles d’un autre".
Alors je me suis demandée pourquoi, lorsque je vais chez le coiffeur et que j’entends fuser des inepties à la seconde autant que des questions pro, je me prends pour quelqu’un d’intelligent et d’intéressant en comparaison.
Ainsi les :
- Oh, tu as vu les bottes de Mme N., on dirait qu’elle a tué le chien et qu’elle se l’est mis aux pieds !!
- Attention vous allez voir dans la glace, vous êtes orange, mais c’est parce que je viens de vous faire un gommage, je vais appliquer la couleur maintenant. Ah non tiens, au revoir et merci ! Mais je rigole !
- Regardez Vanessa, vous avez vu j’ai trouvé votre robe de mariage dans ce magazine, des pois rouges et des volants ! Vous plaisantez j’espère, Mme V!
- Oh la la, je te jure aujourd’hui Stéphane n’est pas rigolo, oui j’ai descendu le panier, non il n’y a plus personne en bas, une seconde je prépare un café pour ma cliente!
- Qu’il est mignon ce petit bout, qu’est-ce qu’on lui fait ? Je vous mets une blouse, je sais vous êtes chauve, je ne me moque pas, mais si je l’assieds sur vous pour lui couper les cheveux, il sera moins craintif
- Il sent bon ce shampoing, c’est de la pomme ? De la menthe ? De la fraise ? C’est pas trop chaud Mme Z. ? De la poire ? oui, c’est ça, de la poire !
- Votre couleur est superbe, un beau marron, et avec vos yeux! Oh oui il fallait éclaircir, vous avez eu raison !
- Alors je coupe les pointes, ou davantage ?
- C’est Laurence qui m’a coupé les cheveux, je ne voulais pas mais ils étaient abîmés. Elle a trop coupé, et puis j’aime pas quand c’est une collègue qui le fait.
- Qu’est-ce que vous faites plantée là ? Mais j’encaisse ma cliente, Stéphane, et c’est bientôt ma pause.
- Je prends votre Rolls Mme D., je la glisse vers le vestiaire, vous avez le numéro 7. C’est vrai quoi, sur votre charriot de courses, il y a écrit Rollsser.
Il y en a bien d’autres toutes aussi banales et pleines de vie, un tourbillon du samedi dans ce salon de coiffure. J’ai hâte de sortir, de ne plus les entendre, de lacher ce Mme Figaro tout aussi futile. Et pourtant, je sais bien qu’au fond c’est moi qui ne suis pas marrante et ne sais pas dire zut, profite de ce moment pour te détendre, alors qu’on te bichonne. Que c’est une forme de thérapie, de bien-être. Un soupir de décompression. Vive le coiffeur !