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14 mai 2012 1 14 /05 /mai /2012 08:00

Le défi cette semaine chez JeanneFadosi est : enfances.

 

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J’avais dix ans la première fois que je suis allée au hammam avec les femmes. Ma voisine Mme Kanhane et sa fille Atika m’avaient persuadée de me laisser faire avec l’accord de ma mère. Cela avait commencé la veille, dans l’après-midi. Atika avait quatorze ans à l’époque. Avec sa mère elle avait pilé des feuilles de henné dans un mortier. Ensuite elles avaient écrasé une pierre noire, elles avaient dit que c’était du rassoul. Puis elles l’avaient mélangé au henné pour atténuer la couleur orange de la plante.

-         Allez, on te le pose ! m’avaient-elles dit.

J’avais l’impression d’avoir un casque de moto sur la tête. On m’avait plaqué un sac en plastique et un foulard par-dessus. Tu dois dormir avec, m’avait recommandé Atika. Slamma, à demain.

Le lendemain, de bonne heure, après avoir porté leur pain rond, la kesra, à cuire chez le boulanger, Atika et sa mère étaient venues me chercher. Elles avaient un grand panier en plastique avec elles. Nous avions longé le parc du Belvédère, je me souviens des amandiers en fleurs, et plus loin de l’odeur de menthe et de cumin qui flottait sur le marché.

 

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Arrivées au hamman, elles m’avaient demandé d’ôter tous mes vêtements. Je me souviens d’avoir obéi à contre cœur, mais comme toutes les femmes étaient nues et les enfants aussi, j’avais vite oublié ma réticence. Je me souviens de ces rangées de femmes alanguies et molles, adossées au carrelage humide, des mains frottant mon crâne énergiquement. Du grand panier mystère et d’une multitude de fioles dignes du bric à brac de Mary Poppins. Du peigne et de la mousse, des enfants soufflant sur les bulles. Des  heures de pause ponctuées de conversations enjouées ou emportées, dans une langue rauque dont je ne comprenais que quelques mots. De la grande serviette en éponge qui me couvrait entièrement, avant le retour au vestiaire. Et des reflets cuivrés que j’avais remarqués pour la première fois dans mes cheveux, une fois rentrée à la maison.

Vers 18 heures, Atika avait sonné à l’appartement. Ca te plaît avait-elle dit ? Yallah noud, allez, lève-toi ! et viens boire le thé. Je m’étais installée au milieu de cette famille unie pour un cérémonial rituel. On m’avait dit : shrob la teï, gib il roubs, verse le thé, donne le pain. Et je m’étais exécutée fièrement.

C’était en 1969, à Casablanca. J’habitais rue de Charleville.

 

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12 mai 2012 6 12 /05 /mai /2012 10:00

Le tour de Guadeloupe, au mois d’août c’est sacré. Les mordus s’installent sur les bas-côtés de la route. Des tabourets, des pliants, des couvertures à terre. On attendra les champions toute la journée s’il le faut. Les voitures sont garées de guingois, mordant la route et la terre. Des passionnés, harnachés de casques et de genouillères, piaffent, faute de courir. Les femmes ont prévu bouteilles d’eau et Kways. Il pleut, normal en août. Les gendarmes, blancs pays ou appelés, portent des shorts bleus sur leurs guiboles velues. De grandes capes leur chatouillent le mollet. La route de la Traversée offre une belle vue sur la montagne et la température a faibli de 33 à 26° depuis Gosier. De grosses gouttes chaudes s’écrasent sur les feuilles immenses des siguines blanches et sur nos bras quand nous baissons la vitre de la voiture.

 

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Nous atteignons la ferme aux ouassous. Le parc aquacole est immense. Constitué de bassins étagés, il permet l’élevage des ouassous, ces délicieuses crevettes de Guadeloupe. L’eau s’écoule de bassin en bassin et se jette dans la rivière. Les ouvriers pêchent les ouassous au filet.

 

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On apprend à distinguer les mâles dominants, les femelles porteuses d’œufs oranges ou marron foncé. Les œufs éclosent si l’eau est salée à 35 pour mille.

 

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Le visiteur peut pêcher le rouget si le cœur lui en dit. Mais la partie est cocasse, les pêcheurs rient aux éclats, une radio allumée déverse ses commentaires sur le tour, le soleil tombe dru sur nos têtes, une libellule volète de ligne en ligne et le voisin s’écrie, moi j’en ai un ! tandis que sa ligne remonte mollement, dédaignée par un rouget vicelard.

Pause repas. Tit punch, ça s’impose. Ouassous, sauce au court bouillon, succulent ! Riz, salade, sorbet coco, café. Un bain de mer avant la digestion. Imprudent ? Et puis zut ! Un petit somme sous les flamboyants.

 

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Au retour la route est mouillée et fume, la montagne aussi. Ah, ce sentiment de voler à travers les nuages, comme le père Noël sur son traineau…. Avons-nous rêvé cette journée ?

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10 mai 2012 4 10 /05 /mai /2012 10:00

Le casse-tête cette semaine chez Sherry est : pont.

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On parvient aux chutes du Carbet depuis Basse Terre, en faisant route vers Capesterre-Belle-Eau. La troupe de touristes dociles et formatés qui se croient en vacances, distrait les mangoustes. La deuxième chute est la plus visitée, la plus accessible. La montée se mérite. De la rocaille, des planches assemblées, des ponts. Pour vous allécher, les guides, les agences de voyage, les visiteurs ont truffé Google de clichés. Que je lance aussi, à vous de les attraper. De plonger dedans, comme des spectateurs avides d’effets spéciaux.

 

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L’eau ruisselle dessous les ponts, caresse la roche, détrempe la mousse et chante un petit air frais. Les feuilles des grands arbres autour, et les fougères géantes luisent doucement. Constituent un écrin au toucher lisse ou duveteux. Dont les nuances évoquent l’émeraude, le jade et la malachite. L’onde  est un joyau, pureté, cristal à  préserver.

 

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Depuis le pont suspendu,  on aperçoit  la deuxième  chute, avant l’arrivée au bassin. C’est une coulée d’eau laiteuse qui se diffracte sur les rochers et forme une nappe en dentelle. Elle s’écrase en flocons puis en gouttelettes de brume. Le ciel tout là-haut, ressemble à la capsule éjectée d’une bouteille de soda.

 

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 10:00

 

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Je m’approprie les œuvres célèbres depuis toujours. A partir de mots lus sur internet, de livres ayant l’artiste ou ses proches pour sujets, de documents filmés, je tricote. Je construis, les mots s’enchevêtrent, à l’endroit, à l’envers. Guernica ne fait pas exception à la règle. Picasso 1937, bombardements, Espagne, camaïeu de gris, noir, blanc, jument violée, minotaure cruel, femme en deuil, enfant mort, tête d’homme, bras coupé, géométrie, cubisme, flammes, clichés photographiques de Dora Maar. Les informations glanées ici et là, construisent mon tableau. A l'idée que j'en ai.

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Devant Guernica, le vrai, 349 x 776 centimètres, au musée de la Reine Sophie à Madrid, je me suis sentie dépossédée. J’ai posé mon trophée à terre, minuscule, insignifiant. Comme intimidée par les dimensions de l’œuvre réelle et par ces grandes bouches ouvertes sur la souffrance. Désorientée par tout le reste, aussi. Un rail placé à la verticale sur le côté, relié à un ordinateur, analyse  l’usure de la toile. Et crée, même s’il ne fonctionne que la nuit, une ambiance scientifique de laboratoire, plombant l’émotion. Au plafond, un autre rail de spots à l’horizontale, éclaire la vedette. Deux gardes sur des chaises hautes, de part et d’autre du tableau, contiennent les spectateurs éblouis. Et la foule dense, immuable, forme une barrière indépassable. Que j’ai franchi, à petits pas imaginaires, pour me placer au bas de la toile et au plus près.


J’ai rendu mon tableau à Pablo et à l’Espagne. Puis je l'ai saisi de nouveau, posé sur la toile comme une peau de chagrin. Qui a fondu, s’est plaquée tout contre la trame. Est devenu Guernica, le seul, celui d’un Picasso génial. Devant lequel les visiteurs s’amassent.

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6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 11:43

 

 

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Quinze heures trente, ce trois mai, Plaza de Cibeles, à Madrid. La CNP (cuerpo nacional de policia) quadrille la place. Le temps est à la pluie mais hésite encore. Un peu comme nous qui ne comprenons pas. Autour de la fontaine, on établit des tréteaux comme la tour de guet d’un château fort.  Cybèle rayonne sur son char, elle se doute  que l’assaut sera bienveillant, c’est habituel et systématique en cas de victoire. Au carrefour, les aficionados se jettent devant les voitures,  déroulent des banderoles et hurlent : Viva Real ! Ils masquent les feux et s’en moquent. L’heure est à la joie.

 

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C’est le déclic, pour le ciel, pour nous. Une pluie drue et franche s’abat sur la ville, des vendeurs de « paraguas » nous barrent le chemin, une foule emmaillotée de blanc déferle depuis la Alcala, hissant banderoles et fanions. La guardia civil filtre le passage, fouille les sacs. Le carrefour est brusquement envahi, les voitures stoppées net font demi-tour. De touristes se prennent en photo au milieu de la « calle » juste avant qu’il n’y ait plus de « calle ». Avant que la place ne soit qu’un concentré de « felicidad, alegria, risa ». Avant que chacun ne s’oublie en tout le monde. Et que le car n’arrive de Santiago de Barnabeù, le stade madrilène, convoyant les héros de la trente-deuxième ligue d’Espagne, les tombeurs de Bilbao et du Barça.

 

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Laissant Madrid aux madridistas, nous retournons à l’hôtel, tout près de là.  La una et la cinco retransmettent l’événement en direct. Des journalistes interrogent la gente, des ballons flottent au vent, courbent sous la pluie. Dix-neuf heures. En studio, on piaffe, alors ils arrivent ? Oui, ils sont là, Casillas, Ronaldo et tous les autres, sur le toit du bus. Ils grimpent sur l’échafaudage, drapeau levé, embrassent la foule. Pluie de confettis, flashes, pops des canettes de coca. Casillas ceint la déesse Cybèle du drapeau de l’équipe, répond de bonne grâce à la bimbo de la télé. Ma minute culte de française, est d’apercevoir Benzema haranguant la foule d’un : gracias a tu ! approximatif.

 

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D’un coup tout disparait. Les tréteaux, la foule, la pluie. Madrid remise sa victoire dans un tiroir aux souvenirs. La marée blanche inonde les bars de la Alcalà, les couvrant d’écume de cerveza Don Miguel. La nuit sera longue et chaude, malgré la fraîcheur de mai. La fête, une pause, et mettre de côté, les soucis du pays.

Quelle que soit la fête, quelle que soit la pause, parviendrons-nous à résoudre les nôtres ?

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2 mai 2012 3 02 /05 /mai /2012 10:00

 

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 L'artiste croqué en révolutionnaire, par lui-même.

 

L’espace accordé à l’exposition Boilly, au musée des Beaux-arts de Lille, au mois de Novembre était magnifique. Je ne connaissais pas l’artiste et j’ai découvert un Robert Doisneau des XVIIIème et XIXème siècle. D’une grande sensibilité, son regard est humaniste et incisif. L’optique et la lithographie le passionnent.  Né en 1761 à La Bassée dans le Nord, il meurt en 1845 à Paris. Alors, ses peintures, très colorées, vivantes, sont le reflet de la vie quotidienne durant la révolution française, sous Napoléon puis sous Louis XVIII et Charles X.

 

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Mme Boilly dont l'ombre se projette sur une toile vierge.

 

C’est un chroniqueur, avant la percée des journaux. La rue et ses révoltes, ses contrastes sociaux,  ses misères, les fastes de la bourgeoisie, ses distractions sont les thèmes de ses tableaux. Son intérêt pour les sciences et les savants, tout est représenté.  Il évoque l'arrivée des diligences, le folklore des déménagements, la reconnaissance du droit à l’instruction des femmes.

 

 

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L'arrivée de la diligence.

 

 

 

 

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 La leçon de géographie.

 

 

 

Dans sa jeunesse il peint d’abord sa famille, ses amis, et de multiples portraits petits formats, qu’il réalise sur commande. Vers la fin de sa vie, il  s’intéresse à l’art de l’illusion, au théâtre et à la caricature.

 

 

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L'atelier du peintre Houdon entouré de sa femme et de ses filles.

 

 

Son sens artistique du trompe-l’œil est étonnant voire bluffant.  Sa perception de la prostitution dans les jardins du palais royal est judicieuse et sans voyeurisme.

 

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Reproduction sur une table, d'objets posés en trompe-l'oeil.

 

 

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Prostitution au Palais Royal.

 

 

Il est l'un des premiers à sortir de la peinture académique, à s'inspirer de la rue, à faire du spectateur un voyeur. On peut ne pas aimer sa peinture très réaliste, précise, photographique,  il apporte néanmoins  un très beau témoignage sur son époque.

 

 

 

 

 

 

 

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30 avril 2012 1 30 /04 /avril /2012 08:00

 

Pour répondre au défi 80 lancé par Hautefort, concernant le blog mystère:

 

C’est un petit blog malicieux et curieux. Il s’invite le soir, l’air de rien. Sur le pas de sa porte, chacun regarde la montagne.  Le soleil donne vie à la roche qui rosit par endroits. Les plus tenaces croient distinguer un profil humain sur un écran bleu scintillant, dernier spectacle avant la fuite du jour. Tous aux alentours connaissent cette curiosité. Les enfants particulièrement entendent son rire. Une voix étranglée comme une bonne blague. Ils imaginent une bouche ouverte sur de grandes dents, une gouaille communicative à la Fernandel. Ils grandissent avec cette voix ans la tête. On ne peut couper le son, barrer le haut-parleur d’un sens interdit. Le visage leur est familier, très doux. Observer ce profil, le soir avant d’aller dormir, est une promesse de sommeil sans nuage. Mais les adultes sont moroses, ils attendent le grand homme dont le profil se dessine sur l’écran, et son blog les agace. Il n’affiche rien, ni texte, ni photo, ni lien vers un site ou un autre blog. Aucun tag, ou avatar, pas de date de création. Aucune mise en page ou design.  A quoi sert ce visiteur imposé qui n’ouvre pas sur le monde. Ecran bleu scintillant, rire tonitruant, basta.

 

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Le nombre de visiteurs s’affiche régulièrement chaque soir, quand la lune pose son croissant au-dessus de la roche. L’hébergeur aussi, l’adresse IP, le flux RSS… Un blog incontestable, tenu régulièrement.  Rémi a dix ans, il espère rencontrer le monsieur, pour de vrai un jour.

 Le temps passe, les mois, les années. Rémi devient un adolescent impatient. On lui apprend que l’homme du blog dans la montagne vient d’arriver au village. Il porte de riches atours, roule dans une voiture puissante, arbore une mine  fière et méprisante. Il s’étonne que les autres voient en lui le sauveur. D’antant que le blog mystérieux continue d’illuminer la montagne. Comme si la prophétie n’était pas encore réalisée. Et l’homme s’en va comme il est venu, impérial, dédaigneux. On se remet à parler du sauveur, à scruter le blog au profil crépitant dans la nuit. Alors surgit un petit bonhomme rondouillard à lunettes dont le rire rappelle vaguement celui du profil. Le sauveur, enfin ! Rémi doute toujours, il est adulte maintenant, le blog ne l’impressionne plus. Mais l’espoir est toujours là, tapi en lui.  

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Rémi a cinquante ans. Il a beaucoup voyagé mais est toujours revenu vers la région de son enfance. C'est aujourd'hui un homme sage, patient, disponible. Des sauveurs, il en vus, enthousiastes, fatigués, énergiques, coléreux… Et le blog, impassible continue de défier la nuit. Quoique, insensiblement le visage se tourne, on aperçoit les yeux, le nez, la bouche de face. L’image est encore floue. Rémi comprend que le grand jour n’est pas loin. Il décide de contacter ce mystérieux personnage. Un soir le miracle se produit. Dans sa boite mail, il y a un nouveau message de : « la montagne en face ». Des villageois se rassemblent devant chez lui, au pied du rocher. Ils écarquillent les yeux :

-         Là, sur l’écran, c’est Rémi, mais oui, c’est lui, c’est notre sauveur !

Tout le village vient l’arracher à son clavier, on l’embrasse, on le félicite. Son visage lui sourit, irréel. Mais lui peine à se reconnaître et « garde la conviction qu’il viendra un jour un homme plus sage et meilleur que lui où revivra la grande figure de pierre sculptée par le blog à l’image de l’homme attendu ».

 

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Je me suis inspirée d’une nouvelle de Nathaniel Hawthorne, écrivain américain, (1804-1864) : LA GRANDE FIGURE DE PIERRE. J’ai repris la dernière phrase telle quelle, à part le mot blog, bien sûr. Et l’actualité m’a été  d’une aide précieuse.

 

 

 

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30 avril 2012 1 30 /04 /avril /2012 07:30

 

 

 

BLOG EN PAUSE, 2 ARTICLES PROGRAMMES, BONNE SEMAINE A TOUS.

 

 

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28 avril 2012 6 28 /04 /avril /2012 10:00

 

Anna Sam racontait les tribulations d'une caissère de supermarché, et plutôt bien. Moi, j’expérimente celles de la cliente lambda qui fait ses courses deux fois par semaine et remplit son caddie du minimum vital si on excepte les gâteaux, chips et  autre coca. Ligth, le coca je précise. Premier réflexe, se munir d’une pièce d’un ou deux euros. Sinon attendre, patiemment et avec le sourire, que le vigile à l’entrée ait fini de papoter avec une rayonniste, une dame âgée ou deux agents  venus interpeller  un chapardeur. Et qu’à l’aide d’un crochet à la Mac Gyver, il libère un charriot.

Naviguer entre les rayons aux heures de pointe ça s’apprend. Le chaloupé du client est une danse. Elle dépend du partenaire, de sa volonté, de sa jeunesse, de sa disponibilité. Or le partenaire, c’est le caddie. S’il grince, couine et s’enraye, l’évolution sur la piste a tout d’une valse avec Charlot. Dans les rangées, il y a toujours un monsieur hésitant entre deux marques de lessive, une maman handicapée par une poussette et une grand-mère armée d’une canne, prête à vous pourfendre si vous la bousculez. Il y a aussi des personnes en fauteuil, rudement agiles et alertes et qui sourient à tout le monde. Ce petit groupe est sympathique, il vous retarde un peu, c’est social tout ça.  C’est du mouvement autour de vous, car vous n’êtes pas tout seul, bon sang.

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Mais ces cartons empilés juste devant la rangée des yaourts zéro pour cent que je préfère, et qu’l faut pousser, à moins qu’un magasinier ne soit en train de réorganiser le rayon, ça me défrise. Et plus frisée que moi, ya pas ! De même, quand ça fait trois fois en quinze jours que je cherche des piles alcalines, que personne en magasin n’a remarqué la vacuité du rayon, ça m’agace. Il y a aussi des moments de grâce, quand je discute avec le poissonnier. Il me raconte comment on pêche le saumon sauvage, qu’il est ridicule de l’acheter plus cher que le saumon d’élevage. Il est amusant, avec ses gants, son tablier en plastique et son petit bonnet, il a l’air d’un filet de cabillaud sous vide. Je le lui ai dit une fois, il m’a répondu du tac au tac : ça vous fait rire, c’est déjà pas mal. Il le sait, ces petites conversations de comptoir dopent le moral et font marcher le commerce.

 

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A la caisse, il faut appréhender la situation comme une scène de crime. Etablir un périmètre de sécurité, photographier les corps, relever des empreintes. Quand il n’y a que deux caisses, que l’une d’elle est prioritaire, ne jamais la prendre.  Car si vous vous plantez devant, ils arriveront. Les aliens que vous avez trouvés si sympathiques, il y a peu. Ils vous phagocyteront sans pitié. Et si vous râlez, on vous reprochera d’avoir choisi cette file. Parce qu’entre-temps évidemment,  tout plein d’autres caisses auront ouvert, et que personne ne comprendra où est votre  problème.

 

 

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26 avril 2012 4 26 /04 /avril /2012 10:00

 

Le casse -tête cette semaine chez Sherry est : papier.

 

Cette fois ça y est, je vais les ranger. On dit ça comme on boucle ses valises. Comme si on partait à l’aventure, avec le Routard dans une main et les plans, les cartes dans l’autre. Trier ses papiers, c’est partir à l’étranger. Ouvrir des placards, c’est prendre l’avion, vous savez, quand on a l’estomac dans les boyaux au décollage. Tous les cartons, les valises, les caisses en plastiques débordent. On en a pour des heures, on sera perdu au milieu du salon, du dressing ou de la chambre. Comme un passager entre terre et mer, au milieu de nulle part. A la merci de turbulences ou de défaillances de la carlingue.

 

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Car dans les caisses se trouvent des pochettes pourvues d’élastiques, des enveloppes, des classeurs. Et à l’intérieur, des papiers. Des documents  administratifs importants, des quittances, gaz, électricité, règlement de la cantine des enfants. Des trésors, lettres d’amour de notre homme à l’époque où l’on s’écrivait des Pouchou, Chouchou, Minou… quand internet et les SMS ne falsifiaient pas le langage. Des «  maman, je t’aime » à la calligraphie improbable, des « fais ch…t’as qu’à faire tes courses toi-même », la calligraphie  et le vocabulaire ayant pris quelques années. Les notifications des impôts,  des certificats de décès, de divorce,  des actes notariés, des bulletins scolaires. Tout ce qui permet de griffer les  années, comme l’avion  griffe le ciel, constitue nos papiers. En général dans l’avion, au bout d’un certain temps et malgré soi, on pique un peu du nez. Sans vraiment dormir. On dort mal dans les avions.  Eh bien les papiers, c’est soporifique.  Il faut du courage et ouvrir l’œil, savoir quoi et où ranger, quoi jeter.

Dans les papiers, parfois, on trouve des photos, Loulou à la maternelle, le mariage de Titi, les vacances à Papeete. C’est la pause : oh je me souviens, c’était chouette. Cela correspond au moment où on l’on regarde à travers le hublot, que l’avion redescend  et qu’on voit tout en miniature, en bas. On est dans le décor, dans la photo. Et plus tout à fait là.  Si j’osais, je dirais qu’on est sur un petit nuage.

 

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Puis les roues sortent, la piste se profile, on attache les ceintures. Les dossiers s’empilent, d’un côté ceux qu’on garde, de l’autre ceux qu’on…On verra.  Car classer ses papiers, c’est subir le jet lag de plein fouet. Après toutes ces heures de tri, de vol, on ne pense qu’à se coucher. Cela provoque un vrai décalage, autant parier que le lendemain on ne saura plus où on a rangé … sa paperasse.

 

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