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2 juin 2009 2 02 /06 /juin /2009 09:55

Pour répondre au thème de la semaine, de Dana: l'empreinte ou les empreintes.






Dimanche c’est sa fête. C’est son empreinte que je vais évoquer, ce qu’elle a laissé en moi, qui m’a façonnée. J’étais une enfant sage, timide, réservée. Elle était douce, présente, attentive.  Mon enfance a été calme, sans heurts.  Même si elle détestait les fêtes à l’école et n’y mettait jamais les pieds. J’en ai souffert un peu et puis j’ai oublié. Quand il s’est agi de suivre mes enfants dans leurs fêtes, dans leur école, je me suis obligée à participer. Je tenais des stands de pâtisserie ou de pêche aux canards pour leur faire plaisir. Mais je détestais ça. A cause d’avant, pour moi.

 

J’étais une ado sérieuse, calme, bosseuse. Pas brillante mais besogneuse. De celles qui font des études parce que c’est ce qu’elles font le mieux. Je ne sortais pas beaucoup, ne fleurtais pas, n’étais inscrite à aucun cours de danse ou de musique. J’étais lisse et prévisible. Sans piquant, sans mystère. Alors mes enfants ont fait du judo et de la danse, du basket et de la flûte, de la guitare et du violon. Tout ce qu’on fait faire aux jeunes aujourd’hui, pour les former soit disant, pour les modeler. Parce que de nos jours, les enfants il faut les occuper, le mercredi surtout. Et j’ai suivi leurs études, qu’ils prennent un bon départ, qu’ils aient un bon niveau. Comme moi, grâce à elle.

 

Elle ne sortait pas souvent, avait peu d’amis, nous recevions peu à la maison. Je dois toujours faire des efforts surhumains pour inviter, décorer la maison, recevoir. Elle ne savait pas nager, ni conduire. J’ai attendu d’avoir vingt puis trente quatre ans pour pratiquer chacune de ces activités. Comme si je ne m’y autorisais pas avant. Elle était plutôt classique dans ses tenues, rigide dans ses raisonnements. Faut-il que je dise que je lui ressemble, le plus souvent. Sauf dans ces moments où j’ai envie d’être une autre, de montrer de la fantaisie, de l’humour, un grain de folie. Parce que c’est moi aussi. Parce qu’il y a des instants où ton empreinte devient pesante, qu’elle m’écrase malgré ton départ. Et je me révolte. Doucement. Tellement je t’aime Maman.

 




Il est une empreinte que j'avais aussi envie de vous montrer. c'est le résultat d'une bagarre entre mes deux chats, l'un ayant laissé la marque de sa victoire sur l'autre. Bien fait, un morceau de griffe près de l'oeil!



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27 mai 2009 3 27 /05 /mai /2009 21:58




Elles étaient deux, installées derrière moi au cinéma. Et elles piaillaient en attendant le début du film.

-         Ouais, t’as vu, elle a enfin décidé de le quitter.

-         C’était pas trop tôt, le pauvre avec la tronche qu’il avait.

-         J’osais pas le dire, il était moche, t’as raison.

-         On se demande ce qu’elle lui trouvait, j’avais mal pour elle.

-         D’autant que tous ses mecs d’habitude, ils sont plutôt mignons, ils sont pas de la loose, quoi.

-         Ouais et tu te rappelles à la soirée brésilienne, comme elle s’est dépêchée de le remplacer.

-         Faut dire qu’Eric est super beau gosse, attends, t’as vu l’autre à côté !

-         Ya pas photo.

 

Alors là je m’étais retournée. Des fois qu’elles aient eu l’intention de me plomber  le film, j’avais envisagé la solution repli, quatre rangées plus loin. Et puis j’avais imaginé des minettes, dix sept, dix huit ans, des  minis et des bottes, des yeux charbonneux et des cheveux lissés au fer avec des doigts qui jouent dedans. Eh bien, j’avais eu le regard bloqué en vol. Mes nénettes approchaient de la trentaine, c’était dans la tenue, déjà classique, déjà dadame, et dans l’économie de gestes. Dans l’absence de maquillage et la dureté du regard. Les voix aigües et excitées tranchaient avec le look. Elles m’avaient dévisagée un instant, et avaient baissé la voix comme pour me punir de mon indiscrétion. Je n’avais pas demandé mon reste, j’avais obtempéré en fixant l’écran. Et c’était reparti de plus belle.

 

-         C’est pas facile d’aller sur MSN, je te jure, pour communiquer.

-         Ouais, les types, ils trouvent toujours qu’on est trop mystérieuse, qu’on n’en dit pas assez.

-         Ils sont vite collants, moi je les bloque, c’est pas cool mais ils sont lourds.

-         Moi, j’ai du mal, c’est pas comme ça que je rencontre des mecs d’habitude, et je sais pas si j’ai envie de les voir tous ces nazes.

-         Faut en prendre et en laisser, t’as qu’à essayer une fois.

-         Et toi, t’en penses quoi ?

-         J’sais pas pour le moment j’ai Walter.

-         Ah…

 

J’avais envie de cogner dans le tas, de leur écrabouiller le nez. Je ne sais pas si c’était ma cinquantaine envieuse, mes kilos superflus ou l’approche de la ménopause mais il fallait que je me les fasse. La salle a été plongée dans le noir, elles se sont tues.  Quand la lumière est revenue, elles avaient déjà quitté leurs sièges, en prévention. Comme si elles avaient redouté la haine d’Attila. 

  

    

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27 mai 2009 3 27 /05 /mai /2009 21:09

Un potager, pour moi citadine ignorante, c’est un défouloir, un reposoir. On y regarde pousser la vie avant de la croquer. On le cajole, on le bichonne, on l’arrose et on lui parle. C’est comme un enfant. Il fait le beau, il s’étale, il s’étire, il prend de belles couleurs, de belles rondeurs. C’est un séducteur. Il a des parfums enivrants, des formes voluptueuses, il sait vous manipuler le bougre. D’après ce que j’entends, ce que je vois, quand il vous tient, il ne vous lâche plus. C’est le besoin de retourner la terre, de soupeser les tomates, d'admirer les citrouilles, de planter un alignement de salades et de poireaux, d’arracher du persil. Ca ne se contrôle pas, c’est viscéral.

 

Un potager, c’est un compagnon de route. Il va bien quand on va bien et que le temps s’y prête. Et comme le temps joue sur le moral…

Autant dire que ça ne trahit pas un potager, ça a des humeurs parfois mais quand on en possède un, on est forcément solide sur ses deux jambes. Lui c’est la béquille de secours.

Moi à Paris, j’en ai pas. Je l’ai inventé. Et j’ai extrapolé comme j’ai pu. J’y vois des stalactites de courge pendues à des plafonds feuillus. On se croirait dans des grottes végétales. Hum…

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21 mai 2009 4 21 /05 /mai /2009 06:43

Pas besoin d'être un grand artiste ni de prendre des photos superbes, ni même de chercher à faire des effets. Pas besoin d'originalité, de spirituel, de don ou de génie, de paysages grandioses ou exotiques. ll suffit de repérer le merveilleux, l'exceptionnel, bref, ce qui fait que c'est à nous et en nous. Ces photos de famille, ces clichés communs qui indiquent qu'un jour, nous nous sommes extasiés devant la lumière.

 


  

Quand elle poudroie sur les plafonds de Chenonceau pour nous séduire en grande coquette.




Quand elle se glisse par les fenêtres d'Azay le Rideau, comme autant d'yeux hypnotiseurs.






Quand elle dépose un voile sur des fontaines, resplendissantes comme de jeunes mariées, à Bordeaux





Quand elle éclaire et n'émeut que moi, devant la façade de la clinique Mers Sultan, où je suis née à Casablanca.





Quand elle sublime les couleurs, les déplacements, les transparances. Elle nous rappelle qu'elle est dans notre esprit, avant tout.
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14 mai 2009 4 14 /05 /mai /2009 18:02

Cette fois, c’est d’une pièce de théâtre dont j’ai envie de parler. Ce n’est pas un choix personnel au départ, j’avais des invitations pour ce spectacle. Marie Christine Barrault seule en scène durant deux heures au théâtre Daunou, à Paris. J’avais peur de bailler aux corneilles, de me trémousser sur mon siège et de soupirer en fermant les yeux. Mais c’était sans compter sur le texte de Françoise Chandernagor, une adaptation  de son livre « L’allée du Roi ». La vie passionnante de Mme de Maintenon a de quoi retenir l’attention à elle seule : le siècle de Louis XIV, ses fastes, ses femmes légères et ses gens  d’esprit. Le décor est épuré et ingénieux, la statue du Grand Roi  à cheval,  est de profil et nous tourne le dos. On ne perçoit que les boucles de sa perruque, son épée et la croupe de son cheval. Comme pour rehausser sa majesté et  signifier son dédain de nous, petit peuple. Au début du spectacle il est recouvert d’un drap. La dame de compagnie de la Montespan le découvre au fur et à mesure que grandit sa passion pour le souverain.

 

Et il y a Marie Christine Barrault. Une immense actrice qui réussit une performance extraordinaire. Elle est Françoise d'Aubigné puis la veuve Scarron, puis la favorite, l’épouse cachée et enfin la veuve vieillissante. Elle est enfant, adolescente, adulte, femme. C’est dans les gestes, les mots, la voix. La silhouette un peu lourde prise dans une robe longue et noire, mincit par le truchement des costumes enfilés puis retirés, des postures adoptées. Le visage est expressif, il brille, rougit, pâlit, s’éclaire, se voile, raidit, s’éteint. La Barrault devient les personnages que côtoie la Maintenon. Tour à tour, religieuse, tante sans scrupules, libertin, femme galante, dame de la cour, favorite et roi Soleil, elle affiche une détermination sans faille. Elle évolue avec humour, grâce et esprit au milieu de ses fantômes. Au déclin d’une vie fastueuse, Mme de Maintenant reste pétillante et Marie Christine Barrault sait nous envelopper dans ses bulles.

 

Tout ça pour dire qu’on ne parle pas assez des pièces de théâtre géniales qui se montent à Paris, nous croyons à tort  que tel ou tel spectacle va nous déplaire et  les invitations sont un bon moyen de nous attraper au tournant. Il faut reconnaître que le théâtre reste un loisir onéreux et  permettre aux entreprises d’en faciliter l’accès aux employés, est une très bonne initiative. Allez voir Marie Christine Barrault dans «  L’allée du Roi », si vous le pouvez !  A Paris le spectacle est bientôt terminé, mais s’il passe en province, ne le loupez pas.


Françoise d'Aubigné, marquise de Maintenon


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13 mai 2009 3 13 /05 /mai /2009 12:36

D’habitude les lois sont examinées par l’assemblée nationale et le sénat puis adoptées et promulguées par le président de la République. Ca c’est pour les lois ordinaires mais le silence, lui, dicte ses lois. Tout seul.

Art 1 : La loi du silence ou Omerta. On ne la transgresse pas ou alors, c’est qu’on n’a pas peur des armes à feu.

Art 2  ou 1 bis: Se murer dans le silence. C’est un article additionnel de l’article 1. On ne s’autorise pas à parler par peur, par choix, ou à la suite d’un choc psychologique.

Art 3 : Faire vœu de silence. C’est certainement plus qu’un choix, c’est une conviction, un don de soi. Un contrat entre soi et l’autre, ou l’Autre, le Divin, le Sacré.

Art 4 : Etre condamné au silence. C’est ne pas avoir de choix. Devoir se taire pour ne pas faire de vague et vivre  dans une harmonie toute relative, fragile, incertaine.

Art 5 : Le silence de la mer. C’est la part culturelle du silence. Un beau livre de Vercors sur les différences culturelles, la tolérance et la guerre.

Art 6 : Hôpital, silence. Autre rappel de la tolérance. La maladie qui affaiblit l’individu doit inciter au calme, au silence.

Art 7 : Souffrir en silence. C’est le lot des délaissés, des oubliés, des invisibles.

Art 8 : Respecter une minute de silence. Un hommage à ceux qui sont partis, et nous laissent dans un silence terrible.

Art 9 : Le silence est d’or. C’est pour nous les bien portants, les avides, les joyeux. Qu’on prenne le temps parfois, de taire certaines vérités pas très agréables à dire. Qu’on observe, qu’on écoute et qu’on garde les petites mesquineries pour soi.

 

Depuis le début, vous me lisez en silence, je n’ai pas eu besoin de le réclamer. Et encore, je n’ai pas écrit  la liste complète de tous les articles de la loi. Vous en connaissez bien d’autres, alors j’arrête là. Mais faites attention, le silence est manipulateur, il en impose, il a ses mots et son discours. Il est paradoxal. Ne vous laissez pas faire, soyez bref, coupez lui la parole, intimez lui de faire si…

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7 mai 2009 4 07 /05 /mai /2009 10:12







L’ANPE, on ne dit plus comme ça aujourd’hui, on parle de Pôle Emploi. Ca fait lointain, ça fait pôle sud, pôle nord, ça veut dire que pour s’y rendre faut s’équiper. De bonnes chaussures d’abord, car l’agence dont vous dépendez n’est pas forcément celle qui se trouve au bas de chez vous, sectorisation oblige. Il faut prévoir aussi d’y aller l’estomac vide, ne rien boire avant de partir, sinon il faudra serrer les sphincters et garder pour soi l’envie pipi. Eh, c’est le plan vigipirate, pas le droit d’aller aux toilettes, qu’est-ce que vous imaginez, vous les chômeurs ! On n’est pas là pour vous dorloter. Achetez-vous des couches culottes, il n’y a qu’un rendez-vous par mois, c’est pas la mort !   
N’attendez pas qu’on vous conseille ou qu’on s’occupe de votre recherche. Les employés ne sont là que pour vérifier que VOUS recherchez effectivement du travail, pas pour vous orienter. Depuis la fusion ASSEDIC ANPE, les serveurs ne peuvent répondre aux demandes. C’est trop lourd, ils ne sont pas conçus pour ça. C’est comme ça, c’est tout. Et puis les logiciels sont incomplets, alors si toutes vos attentes ne sont pas prises en considération, c’est normal, que voulez-vous !

Surtout, surtout, ayez toujours le réflexe d’un sourire, d’une parole aimable. Pas de trépignement, de doigts pianotant sur le bureau de l’employé qui vous reçoit. Il faut maintenir le contact, ce fil ténu sur le chemin de l’embauche. Exercez-vous dans votre salle de bain, prenez la voix d’aéroport, mesdames, messieurs, ladies et gentlemen… Vous verrez ça marche.
Enfin, sachez que ça peut être dangereux, brutal, hargneux. Sauvage parfois. Vous avez l’air d’un bébé Cadum abreuvé à l’eau d’Evian et lancé dans un monde de brutes. Mais il faut vous endurcir à l’intérieur. Le chômeur, ce spécimen en voie d’extension, cet autre qui vous ressemble, pète un  câble de temps en temps. Il cède à la mode d’aujourd’hui. Il prend le directeur d’agence en otage pour des motifs des plus futiles. Avec l’appui d’un comité de soutien, il proteste contre sa radiation, ou ne comprend pas qu’on lui réclame 2000 euros dont il aurait bénéficié à tort. Il campe sur ses positions jusqu’à ce qu’une solution lui soit proposée.

C’est le moment, je ne sais pas pour vous, mais moi, je choisirais cet instant-là pour tailler la route. Sortir, respirer l’air pollué des bouchons de Paris, c’est toujours plus agréable que le spectacle de la détresse humaine. De toutes façons, du travail, yen a pas, et le mois prochain, faudra se blinder et revenir. Pour faire son petit numéro de clown  au milieu des pingouins dans le grand cirque du Pôle Emploi.

 

 

 

 

 

 

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5 mai 2009 2 05 /05 /mai /2009 09:37



Thème de la semaine: si j'étais un oiseau.




Si j’étais un oiseau, je choisirais d’être une cocotte en papier. D’abord parce que c’est affectif, cocotte, c’est un mot gentil. Maman m’appelait comme ça quand j’étais petite, merci cocotte, tu vas chercher mon porte monnaie dans mon sac cocotte, n’oublie pas de ramener le pain cocotte.

Et puis ça a un petite côté grivois, une cocotte, une poule, une gonzesse quoi. C’est Arletty dans Hôtel du Nord, Suzy Delair dans les films de Clouzot. Et puis ça sonnait bien dans la bouche de Gabin, le ton sec et cassant, la gouaille et la bouche pincée sans un sourire.

Et puis, une cocotte caquetant  dans une basse cour et se dandinant en picorant du grain, c’est tout moi. Bavarde, gourmande, dodue. Et puis, mes ailes ne me soulèvent pas bien haut, si je m’envole parfois c’est dans les mots et les histoires que je m’invente sur du papier.

 

Le papier, celui dont on fait les cocottes quand on s’ennuie à l’école ou au bureau. J’aime l’idée, on s’évade en pliant des feuilles et on les fait ressembler à quelque chose. On peut fabriquer un pigeon ou une grue aussi, tout ce qui a des pattes et des ailes. Et pendant qu’on s’échine, qu’on s’énerve, ou qu’on se concentre au contraire, le temps passe. Comme si on restait à regarder le ciel et ce qui bouge là-haut, on s’oublie un peu.

Si j’étais un oiseau en papier, tiens un pélican par exemple, je ne serais pas, je ne pèserais rien et on me froisserait d’une main rageuse. On me poserait sur une commode à côté d’une girafe ou d’un éléphant, on me regarderait, et me déplierait.  Je serais le témoin des humeurs bonnes ou mauvaises, le détail qui trahit. Je révèlerais des caractères, des pensées et cette intrusion dans la vie des gens, cette indiscrétion, m’amuserait beaucoup.

   


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29 avril 2009 3 29 /04 /avril /2009 14:15


C’est la mode ou c’est dans l’air du temps, aujourd’hui on vend les souvenirs des gens connus aux enchères. Après Yves Saint Laurent et Gérard Oury, c’est au tour de Jean Marais. On éparpille des tranches de vie pour le public ou pour l’argent, pour les deux à la fois. Ce sont des meubles d’époque, de style ou exotiques, des tableaux, des objets, des lettres, des photos qui partent aux quatre coins du globe.

Qui sont ces acheteurs, de riches investisseurs, des collectionneurs avides, des admirateurs éperdus, des curieux ?  Pour les petites choses, ce sont vous et moi. On se dispute une signature, un mot écrit à la va vite sur un bout de nappe, un stylo, un cliché dédicacé. Je me demande ce qui nous motive. Souvent la veille du grand jour, les organisateurs permettent les visites. Ce qui doit partir est assemblé dans des salles et on vient voir. On bave devant les plus belles pièces comme pour s’approprier un peu de la vie des grands. Comme quoi quand on dit qu’on est tous égaux face à la mort, c’est faux. Les célébrités, les people, poursuivent leur chemin grâce à ceux qui achètent ou rêvent devant les fragments de leur passage ici-bas.

 


Les coucous, tapis bleu et rose d'Henri Matisse appartenant à Yves Saint Laurent


Quand nos parents décèdent nous faisons le tri. Il y a ce qu’on jette et ce qu’on enfouit dans des sacs ou des valises pour que les enfants sachent, plus tard. Il y a ce qui trône sur nos murs et sur nos étagères, ce qui nous rend fiers. Parce que c’est une partie de nous, notre bagage, notre histoire. Et pour les chanceux, les nantis, les fans, il y a la trace de ceux qui ont compté dans le monde de la culture ou de l’art.   

Pourquoi entrent-ils dans nos vies après leur mort, pourquoi cet engouement, cette volonté de les avoir à nous, un peu ? Je parle de nous les modestes, pas des m’as-tu vu qui amassent à partir des collections des autres. Il ne s’agit pas seulement de se vanter ou de faire de l’argent, il me semble que les raisons sont ailleurs.

Nous aimions ces personnes, nous les admirions de leur vivant. Mais la mort nous les a rendus proches, accessibles, abordables. Elle crée l’illusion de l’intimité, ces gens sont des nôtres. C’est un honneur qu’ils nous font. C’est un privilège que nous leur accordons.  Leur deuxième vie, éternelle, démarre. Il se trouvera toujours quelqu’un pour raconter l’histoire du bibelot, du tableau ou de la lettre plaquée sous verre que conservait maman. Au fil des générations, on oubliera les exploits de l’arrière grand-père. On jettera peut-être des photos, des diplômes. Mais on gardera intacte la trace de l’inconnu célèbre qui compte tellement encore aujourd’hui.      
Tableaux de Raoul Dufy appartenant à Gérard Oury mis aux enchères les 20 et 21 avril 2009. Les plus abordables sont partis à 5000 euros.

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28 avril 2009 2 28 /04 /avril /2009 16:11







Pour illustrer le thème de la semaine: Le chaos.

Je ne vais pas aborder les chaos météorologiques ou liturgiques ni même ceux qui définissent l’univers de la science fiction. Je souhaite parler du chaos intime que représente la vente d’une maison de famille. On y a toujours vécu, notre enfance s’y est déroulée année après année, été après été. Elle a connu les fêtes de famille, les barbecues entre amis, la cuisson des confitures, les dîners aux chandelles, les deuils,  les inondations et les ravalements de façade. On s’est endormi dans le jardin sous un abricotier et dans l’odeur du romarin, on a vu des prunes piquées par les oiseaux, pourrir sur l’arbre. On a posé une piscine gonflable sur le gazon fraîchement coupé. On y a rêvé d’un amour de jeunesse, on y a vécu les moments forts de la fête foraine et le feu d’artifice à la fin de l’été.

 

Et puis les grands parents sont partis, et les parents et la tante aussi. La maison s’est refermée sur elle-même, comme une paupière sur un œil. Les volets sont clos et la poussière se dépose consciencieusement. Les araignées tissent leurs toiles. Les peintures s’écaillent et le portail rouille. Ca sent le refermé et le moisi. Trop de charges, trop de frais. Trop de souvenirs enfouis. C’est décidé, on vend.

Avant, et durant quelques années on décide de louer. Pour apprendre à se détacher doucement, pour contourner le chaos. Pour se faire croire que c’est plus facile. On débarrasse un peu. Le locataire n’est pas exigeant, il accepte qu’on entasse nos bricoles dans la cave.

 

Et vient l’épreuve. Vider les meubles, porter livres et bibelots à la brocante, démonter des armoires, rouler les tapis, préparer des sacs pour la déchetterie. Le bois d’un côté, les plastiques, le verre, le tout venant incinérable. Affronter le regard curieux des voisins : « vous vendez, vous louez ? Parce que je connais quelqu’un que ça intéresse. Vous pouvez me réserver la table et les chaises, ça ira bien dans mon salon. »

Que dire des lettres, des photos, des diplômes des récompenses, des tableaux exécutés par nos chers disparus. On jette, on stocke, on offre? Est-ce que ça va réellement faire plaisir ? C’est  tout un drame, un crève-cœur. Si on enterrait de nouveau cette vie par nous exhumée.

La maison est nue, les pièces paraissent immenses, nos voix résonnent dans les couloirs. On tourne en rond une dernière fois parce que le chaos est dans nos têtes. Tout se bouscule, tout se mélange et on refuse. D’avancer, d’évoluer, de lâcher prise. Pourtant ça vient d’un seul coup, à l’agence immobilière. Parce qu’on dépose les clefs, que les visites commencent et qu’il faut contacter l’expert et le notaire. Alors on se dépêche, on a hâte que ça se termine, on bâcle les dernières formalités. Et on se pose dans un coin, on a une larme, on se sent lourd, on attend. Que passe la boule enkystée dans nos estomacs. Qu’elle foute le camp, et emporte le  vertige qui nous étourdit.

Il est temps de repartir, de rebondir. De vivre.

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