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28 septembre 2008 7 28 /09 /septembre /2008 20:10

Elle se marie !

Je l’ai perdue de vue depuis un moment déjà, deux ans peut-être, et aujourd’hui elle se marie. Comme le temps a passé ! Je me demande qui est l’heureux élu. A-t-il a su calmer le typhon qui tourbillonnait en  tous sens, canaliser ses élans, ses extravagances ?

Je suis ravie, je relis le faire part, la noce a lieu dans quinze jours. Il était temps qu’elle me prévienne ! Comment vais-je m’habiller pour lui faire honneur ? Si je l’appelais ? Ce n’est pas une bonne idée, entre les faire part et l’essayage de sa robe, elle doit être débordée.

 

Nous nous étions connues au lycée Gladys et moi.  Elle m’avait invitée à passer les vacances de Pâques dans sa maison de campagne. Nous n’étions même pas amies dans la classe mais j’avais dit oui, je n’avais pas hésité. Comme Gladys, je fonctionnais à l’instinct, à l’instant. Aujourd’hui d’ailleurs, ce faire part  tombé du ciel, n’est-ce pas délicieux, spontané ?

C’avait été ma première fois. Premières vacances sans les parents, sans adultes et loin de Paris. Nous nous étions rendues à Port-de-Piles, un village dans la Creuse. La maison se trouvait dans la rue principale. Tout de suite les voisins surent que nous étions là. Et nous sympathisâmes avec deux jeunes gens de notre âge. C’était l’époque des flirts sans importance, des soirées à discuter jusqu’à plus d’heure. Et nous avons gardé cette habitude au fil du temps, papoter, dégoiser, ricaner.

 Nous avions des fous rires pour rien, organisions des batailles d’oreillers dans le lit immense et moelleux de ses grands parents. Quand je pense à ces balades à vélo dans la fraîcheur du matin, nos doigts gelés sur le guidon. Nous avions l’air de poupées aux joues rougies par le givre, à la tête farcie de contes de fée. Organisions des fêtes,  dansions la tête posée sur l’épaule de l’autre, pour exciter les garçons. Nous envisagions l’avenir avec légèreté et jouions aux grandes personnes, dans les autos tamponneuses, à la fête foraine.  

Je vais lui offrir ce CD que nous écoutions en boucle et qui égayait nos soirées.  S’en souvient-elle ? Ce sera mon bouquet de nostalgie pour la mariée. Est-il encore dans le commerce ? Oh, je verrais, bien !

 

A vingt-deux ans, nous avions perdu quelques illusions et acquis des souvenirs communs. J’habitais toujours chez mes parents car je poursuivais mes études, mais elle était indépendante et avait son studio. Je la rejoignais le week-end, de temps en temps. Nos éclats de rires évoquaient le passé, elle parlait de son travail, je l’ennuyais un peu avec mes études. J’ai appris qu’elle travaille aujourd’hui dans un laboratoire d’analyses médicales. Elle a un poste d’encadrement. Elle a dû retourner à l’université, abandonnant momentanément ses idées d’indépendance. Dire que j’ai gardé un de ces pamphlets délirants qu’elle écrivait contre les bourgeois, sur la nappe en papier d’un  restaurant auvergnat, en bas de chez elle ! Si je le lui apportais?

Les garçons faisaient épisodiquement irruption dans nos vies. Nous restions alors quelque temps sans nous voir, nous appeler, nous confier l’une à l’autre. Et comme ce n’était jamais le bon, nous nous retrouvions à la terrasse d’un café. L’air un peu triste, perdu, blasé. Et pour finir, nous pouffions, à notre habitude. Je suis certaine que nos retrouvailles se feront dans un fou rire, elle, moi et nos chéris.

 

Le  premier chagrin d’amour qui fait qu’on veuille mourir là tout de suite, nous le connûmes à vingt cinq ans, ensemble toutes les deux. On m’avait laissée tomber au bout de deux ans d’une folle passion, elle venait de quitter celui qui ne la menait nulle part. Nous avions bien sûr décidé de sortir pour ne pas remâcher nos misères. Nous avions choisi une crêperie et n’avions pas lésiné sur le cidre. Se noiera-t-elle dans les bulles et le champagne, cette fois ? Verserons-nous une larme sur nos erreurs passées ?

 

Aujourd’hui j’assiste à son  mariage ! Voilà, à vingt huit ans, chacune de nous est casée. Moi je vis avec Gérard, dans huit mois bébé sera là, et elle a enfin trouvé l’âme sœur. J’ai hâte de la revoir. Le carton disait d’arriver tôt, à son appartement, avant le départ pour l’église. Mon doigt tremble sur la sonnette. Retrouver nos dix huit ans, son sourire, ses fossettes, les ressorts de ses cheveux rouge foncé pris dans un voile immaculé. La porte s’ouvre sur un  visage  radieux, illuminé… qui s’éteint tout à coup. Elle a un mouvement de recul, une seconde d’étonnement. Elle balbutie :

-         Ah c’est toi ! Qu’est ce que tu fais là, Qui t’a prévenue ?

La porte claque, est-ce moi qui l’ai refermée ? De colère ou de chagrin ? Je dévale les escaliers, revois Gladys, et sa  sœur en retrait derrière elle. Je dévale les escaliers, sa sœur qui avait l’air fautif, le dos courbé. Je dévale les escaliers, l’invitation, c’était elle. Elle avait dû penser, il faut prévenir Marie, une si vieille amie ! Elle m’avait fait parvenir l’imprimé, n’en avait sans doute pas parlé à Gladys. C’avait été un geste de dernière minute, timide, hésitant. Demander pardon. Pardon pour l’oubli, pour l’indifférence. Pardonne à ma sœur, cette ingrate, semblait-elle implorer.

Elle avait eu des égards pour rien. Elle aurait pu économiser du papier et du temps. La traîne de la mariée avait balayé le passé. Je réalise que l’amitié peut s’effacer. Il n’est pas nécessaire de trahir ou de décevoir. L’amitié  dans certains cas c’est comme l’amour, comme la vie, ça passe.  

 

 

 

    

 

 

 

 

 

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17 septembre 2008 3 17 /09 /septembre /2008 17:35

J’aime les bibliothèques. L’odeur de vieux papier, le chuchotement des pages qu’on tourne, les pas  dans les allées.  Et puis la solitude au milieu des autres, ça me va. Je triche, je ne suis pas seule. Je m’en suis rendue compte il y a deux jours. Pour une fois, le rêve n’est pas dans les romans d’amour dont je me gave. Il est devant moi, pour de vrai. C’est ce grand type là-bas derrière l’ordinateur. On lui tend des livres, et lui promène sa douchette dessus. C’est passionnant. Moi, je suis là pour ma thèse de fin d’études. Le journalisme au dix neuvième siècle. Tout aussi captivant. Il me faut le calme, la bibliothèque et m’astreindre à potasser. Ca fait une semaine que je viens.

Lui, je l’ai remarqué dans la rue. Il était dans sa voiture, allait se garer et  m’a aperçue sur le trottoir. Il s’est retourné comme ça. Il m’a fixée bêtement, regard bovin. Il a raté son créneau. Alors j’ai fait le rapprochement, c’est le bibliothécaire. Il est mignon, un peu jeune, je les préfère plus âgé, plus mûrs, et plus fous que moi. Mais ce regard justement. Bovin. Je me méfie  de mes impressions. Paravents, garde-fous ? Ce garçon me plaît et je le dénigre. C’est lâche, c’est tout moi.  

Ma thèse piétine un peu. J’ai à peine commencé et je ne fais rien. Je m’installe face au bureau sous la brûlure d’un regard. C’est comme une lampe et ça tient chaud. Il, lui, le bibliothécaire est grand, brun, a le cheveu ras. Il porte des sweat bleu foncé. C’est un homme tronc, je ne vois que ça, la couleur de ses sweat. Toujours la même. Je sais qu’il rapproche les sourcils, ses yeux noirs s’enfoncent dans leurs orbites, il m’envoie des décharges. Et je n’ose pas lever la tête, soutenir la foudre. Je ploie, j’encaisse. C’est délicieux, cette attente, cette promesse.

Le midi, il se lève, marque un arrêt. Debout, les deux poings sur le bureau, il me teste, il m’invite. Je résiste, je n’ai pas le courage.  L’iris de ses yeux est un poignard. Il s’en va, son pas décroît lentement dans l’escalier. Il va déjeuner seul. Je souffle, je peste après moi. Je rentre au studio, allume la télé en bruit de fond. Calée dans le canapé, j’avale un sandwich. Je suis perdue, sonnée. Je me donne un grand coup de pied, retourne à la bibliothèque. Pour travailler, mon œil ! Pour l’aimer, lui.   

L’après midi se déroule comme un feu d’artifice. Comme si le matin avait placé des amorces. Il, lui, l’artificier  fait exploser la poudre. Déclenche la première salve, le premier regard lourd. Il se déporte un peu, une grosse dame me dérobe à sa vue. Et je réponds. Un sourire de côté, dans le vide. Il persévère, le jeu est plus direct, plus franc. Je le fixe, immobile, hypnotisée, du feu aux joues. Les heures passent, électriques et charnelles. C’est un tourbillon de flammes et de couleurs qui s’installe entre nous jusqu’au soir. Jusqu’à la fermeture. Jusqu’à ce que je remballe mes affaires, épuisée.

Et que cette fille vienne le chercher.

Le lendemain, évidemment, ça recommence. Sa tentative, ma résistance. Nous deux, ça ne peut pas avancer. Un mois passe ainsi. Du temps gaspillé, monotone. Et des habitudes doucement cruelles. Et le manque aujourd’hui. Le manque de lui. Au bureau, il y a quelqu’un d’autre. J’ai entendu les mots stagiaire, remplacement. Je n’ai rien compris. Sauf qu’il, lui, le bibliothécaire, n’est plus là. Qu’il n’y a plus cette fille le soir, cette blonde à capuche, qui attend. Sauf que la vie va terriblement m’ennuyer.

      

Tout me barbe. Le dix neuvième siècle, je m’en fiche. L’existence sans lui, sans le bibliothécaire, c’est comme une olive dénoyautée. Je n’ai pas envie de mordre dedans. Paul a décidé que ça suffisait, je suis molle et je me plains, il en a marre. Sacré frangin, tout juste marié et soucieux de mes états d’âme. Avec Michèle, il m’entraîne au restaurant. Pas n’importe lequel. Celui de Carole, ma copine. Une table sur le boulevard, des cocktails géants et offerts, un service impeccable. Et la cuisine, hum, sublime. Mais je ne suis pas d’humeur. J’ai le cœur à plat et Carole a beau se joindre à nous à l’apéritif, raconter des blagues, je spleene. On ouvre la porte dans mon dos, je frissonne. Je me retourne, c’est machinal. Et je le vois, je ricane. La vodka m’a fait de l’effet. Il ôte son pardessus, son pull est bleu. Bleu- marine. Il, s’attable à côté de nous et la blonde, sans capuche cette fois, l’accompagne. Ca reprend, c’est la pêche aux regards. Je t’attrape, tu me ferres, je tends l’hameçon, tu  harponnes. J’évite de la regarder, elle. De toutes façons, je ne peux pas détacher mes yeux des siens, de lui, du bibliothécaire. Paul bougonne. Sa soirée légère, décontractée est un fiasco.    

Carole réclame des confidences. Dis donc, cocotte, elle a dit, tu me fais quoi, c’est un nouveau film ? Raconte. J’ai raconté après la fermeture, après que Paul et Michèle m’ont plantée, qu’ils m’ont priée de me débrouiller seule. Après qu’il, lui, le bibliothécaire a porté la dernière estocade : un « A bientôt » murmuré d’une voix de crooner. J’ai pleurniché sur mon inertie, sur la faute à pas de chance, sur son attitude à lui. Equivoque, non, cette fille qui le suit partout ? Carole me scrute d’un air bizarre. J’en suis à expliquer ma frustration, j’ai besoin de cette voix rauque, de l’entendre dire : à rapporter le 14, mais vous avez un ou deux jours de battement. J’ai faim. De sa peau, de sa bouche. Et cette boule au creux du ventre. Carole sait écouter, heureusement.  

J’y retourne. A la bibliothèque. Ma thèse, bien sûr. Quoi d’autre? C’est pesant le calme tout compte fait. Ces gens qui baissent le ton, comme pour m’épargner, ces pieds qui traînent.  Je ne tiens pas en place, quel événement pourrait me clouer à mon siège ? Alors je déambule dans les allées. Je soupèse des livres, caresse des couvertures, tourne des pages. Hier, en revenant à ma place, j’ai découvert un dossier complet posé sur mon sac. Nestor Roqueplan et autres journalistes sous Louis Philippe. J’ai questionné mes voisins. Personne n’a vu personne. Ca fait une semaine qu’il, lui, le bibliothécaire, n’est plus à son poste, au bureau. J’ai envie de croire …


Un week end en famille. Papa, maman, le rôti du dimanche. Les questions. Ton mémoire, ça avance ? Et les garçons, qui tu fréquentes en ce moment ? Tu  es bien pâle, tu ne t’enfermes pas toute la journée, dis moi ?
D’abord c’est une thèse, pas un mémoire,  ensuite mes hommes, ça ne vous regarde pas, et oui, je sors, là, vous êtes contents ! Je les adore pourtant.  Mais ils m’obligent à penser à lui, au bibliothécaire. Est-ce qu’il aime le rôti, est-il apéro ou digestif, c’est quoi ses week end ?

Rendre visite aux parents, c’est retrouver Gilles, inévitablement. Depuis qu’il m’a quittée, il n’arrête pas de me poursuivre. J’ai l’air d’un un os sur lequel il reste un peu de mœlle. Un truc à ronger encore et encore. Il dit qu’il m’aime, qu’il a fait une erreur, que je ne peux pas l’avoir oublié. Si, je dis. Mais ça ne l’arrête pas. D’ailleurs les fleurs sur mon paillasson, au retour à Paris, c’est lui. Les tulipes, c’est son truc. Il ne se demande pas si moi, ça me plaît. Et ça m’agace, parce que les tulipes sont mes fleurs préférées, que je ne le lui ai jamais dit. Que j’en aime un autre. 

Carole a téléphoné. Quand mon portable a sonné dans la bibliothèque, ça a fait mauvais genre. Je suis sortie, je l’ai traitée de folle. Tu sais que je travaille à la bibliothèque, que j’ai besoin de concentration, c’est déjà assez difficile comme ça. Il est là, elle a dit, il est au bar. Qui ça, il ? Je savais bien qui, déjà. J’ai couru jusqu’au restaurant, le portable à l’oreille. J’ai ouvert la porte telle une furie alors qu’il sortait. La parole est venue entre nous comme un coup de poing :

-         Permettez, mademoiselle !

C’est chou, mademoiselle, ça fait vieille France dans la bouche d’un garçon de mon âge, vingt trois, vingt cinq ans à tout casser.

-         Oh, excusez-moi, j’ai dit.

-         Ce n’est rien. Je vous offre quelque chose ? Un café ?

-         Pourquoi pas ?

J’ai osé, j’ai répondu. Parce que ça faisait longtemps que j’attendais ce moment, que ses yeux riaient, que le sweat bleu foncé dépassait de son blouson, et qu’il était seul, mon bibliothécaire. Il s’appelle François. Il souhaite qu’on se tutoie.  Il a vingt sept ans. Son métier c’est les statistiques. A la bibliothèque son travail est fini, c’était temporaire. Il aime la voile, les films d’auteurs et le rôti. Le dix neuvième siècle aussi. Sa main cherche la mienne sur la table, ses doigts hésitent. Ses yeux s’attardent sur ma bouche et dans mon décolleté. Carole nous surveille depuis le bar. Elle hoche la tête. Je la tuerai. Nous nous quittons à regret, il me demande mon numéro de téléphone. Pour la blonde, je ne sais rien. Je ne prends pas de risque.

 

Ca peut être magique une bibliothèque. C’est comme ces bagues qui changent de couleur selon l’humeur. Aujourd’hui c’est cool. Je travaille, je te promets maman. Le dix neuvième siècle est fantastique, ces documents sont des trésors. Je suis dedans, à fond. Je travaille et ce soir, je sors. Je le revois, je dîne avec François.

Gilles est là, soudain devant moi. Comme d’habitude, il ne prévient pas. Il est là, voilà. Il  dérange, il n’est plus dans mon histoire, il ne comprend pas. Il s’incruste, me traite d’ingrate. Il  a fait des recherches pour moi. Le dossier l’autre jour, c’était lui. Dommage! Et sa main sur mon épaule, sa bouche contre mon oreille. Intimes, complices. François nous  surprend ainsi. Il avait envie de me parler, hâte de me revoir. J’étais à la bibliothèque, il s’en doutait. Il espérait… Il tourne les talons, ne m’accorde plus un regard, A quoi bon courir derrière lui. Je n’ai pas de chance. Je referme ma pochette. Je la tends à Gilles avec des larmes dessus et ma haine. Ca doit se lire dans mes yeux, la haine, car il détale. Il a des mots coincés dans la gorge et courbe le dos.

La blonde, l’amie de François, surgit du fond du local. Elle s’assied à côté de moi, retire son manteau à capuche. Et elle parle, elle a les yeux délavés, bleus ou verts. C’est drôle, je devrais être la dernière personne à qui confier ce qu’elle ressent. Ca ne la gêne pas. Un peu comme si j’étais une thérapeute. Et je l’écoute. Je devrais fuir, remâcher mon chagrin mais j’écoute. Elle explique qu’elle est heureuse. Elle a une barre, un nœud au ventre. Envie de sourire à tout le monde. Ca lui donne  de l’éclat. Elle dit qu’on a le même amour, que c’est triste et que c’est beau. La souffrance assombrit son visage mais elle est vivante. C’est merveilleux. Elle m’embrasse et elle s’en va, doucement.

 

Ah vous vouliez que je sorte ! Je ne fais que ça. Des soirées interminables et de l’alcool pour célébrer mon naufrage. Je reprends contact avec d’autres étudiants, des historiens qui refont le monde en se plongeant dans le passé. Je délaisse la bibliothèque, fréquente d’autres « thèques » plus bruyantes : la cinémathèque

et la discothèque surtout. Pour ma thèse, c’est foutu. Je suis bonne pour une nouvelle inscription à la fac, l’an prochain. 

Carole me relance au studio. Elle doit me parler de lui, du bibliot… de François.

Elle me sermonne. Il est malheureux tu sais. Il te cherche et tu ne réponds pas à ses coups de fil. Il attend une explication, quelque chose de logique. Et toi tu te braques sur sa blonde. Je suis là à le consoler et mon patron rouspète.

Tu ne lui donnes pas mon adresse, je dis, tu l’envoies promener. Elle s’énerve. Oui, mais il revient, le midi, le soir. Ce n’est pas toi qui te le coltines. Elle me fatigue, elle essaie de me culpabiliser. Je m’attends à ce qu’un jour il sonne à ma porte. Je ne pourrai pas en vouloir à ma copine. Elle aura craqué.

 

La bibliothèque est fermée pour travaux. Il y a un gros panneau devant, il devait être là il y a huit jours, je ne l’avais pas remarqué. Avec ce qui s’est passé, je suis excusable. Tiens, un message sur la vitre. Je me penche car au bas, on a signé : François. Ca ne m’est pas forcément adressé mais je lis, intriguée. Les mots dansent. Je distingue mon prénom, Marion. Et puis cette phrase : ne te retranche pas derrière ta capuche. C’est une secousse, un cataclysme. Je réalise que cette fille, la blonde n’existait que dans ma tête, elle exprimait un frein, un refus du bonheur. J’avais peur de prendre sa place mais elle est en moi depuis le début. Elle partage la vie de François, ne le quitte pas d’une semelle. Sa seule concession a été de permettre notre rencontre. Elle s’est effacée cette fois-là, à mon profit.  Alors je cours, je cours, je glisse sur le trottoir devant le restaurant. Un bras  me retient,  une voix chaude questionne :

-         Permettez…Tu veux bien, Marion ?

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