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1 avril 2012 7 01 /04 /avril /2012 10:00

 

 

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La mairie du XIXème à Paris est le principal attrait  de la place Armand Carrel, avec le Parc des Buttes Chaumont juste en face.  Très pratique pour les photos, lors les mariages. C’est la frontière entre le côté bobo des Buttes et le look  populaire de la Villette. Ce fut mon quartier pendant plus de vingt ans avant que je ne m’interroge sur Armand Carrel. Qui était-il ?

 

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Armand Carrel naît en 1800 à Rouen. Sorti de Saint Cyr, il intègre l’armée et veut renverser les bourbons en 1822, souhaite rétablir une République. Il combat même aux côtés des espagnols en 1823 dans la guerre avec l’Espagne. Il apparaît comme le défenseur d’idées nouvelles. Les Etats Unis l’inspireront beaucoup, Washington notamment.

 

L’historien Augustin Thierry lui apprend le style. Et tout naturellement il s’oriente vers le journalisme. Publie des articles dans le Globe, La Revue Française, le constitutionnel.

En 1830, il fonde avec Thiers et Mignet « le National », journal républicain. Il combat le régime de Charles X, revendique la liberté de la presse. Il soutient  la Révolution de 1830  mais la monarchie de Juillet qui s’installe ne lui accorde aucun rôle politique. De même, Louis Philippe s’oppose au divorce et Carrel ne peut épouser la femme mariée avec laquelle il vit. Alors il poursuit son combat.

 

Chacun lui reconnaît une figure de républicain convenable, présentable, faisant sortir son parti de l’ornière anti propriétaires, nobles ou prêtres. C’est un orateur ayant de la prestance, une sorte de Mélanchon des temps anciens. Je m’égare… Il s’attire de nombreux procès et séjourne même en prison (1834-1835).

Le 1 janvier 1836, Emile de Girardin fonde «La Presse », journal dont le prix devient imbattable  grâce à l’insertion d’encarts publicitaires. De Girardin menace de dévoiler sa vie dissolue lorsque Carrel crie à la concurrence déloyale. Ce dernier  perd la vie le 24 juillet 1836, à trente-six ans au cours du duel qui en découle, entre les deux hommes. A ses obsèques se côtoient des royalistes comme Chateaubriand et des figures de l’opposition comme Arago et Dumas.

 

Il illustre parfaitement la notion du Dandy  sous sa facette intellectuelle, telle que l’évoque Alfred Nettement en 1844. Celui-ci parlant alors d’Eugène Sue, écrit :

«  Il remplace Benjamin Constant, ….. Mr Thiers, Mr Mignet, CARREL. Il aborde tous les sujets,  la question d’Orient, la question d’Espagne, les frontières du Rhin. Il se développe dans sa gloire et dans sa majesté, il dit tout ce qu’il veut, fait tout ce qui lui plaît, ne reconnaît ni barrière ni obstacle. Il arrange comme il entend la morale, l’histoire, la société, l’administration, la politique. Il est roi, il est prêtre, il est Dieu ».

 

Sources : Wikipédia ; La vie élégante d’Anne Martin- Fugier,  Ed Fayard.

 

 

 

 

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9 mars 2012 5 09 /03 /mars /2012 10:00

Le casse-tête cette semaine chez Sherry est : Femmes

 

Guillaume a choisi. Sa vie est en Tchéquie. Pour les yeux bleus et la longue natte balayant les reins d’une belle  fille de l’est. Ils se sont connus à Paris dans le cadre du programme Erasmus. Lui venait de Picardie, elle de Prague. C’est en partageant le gîte et le couvert  qu’ils se sont découverts. Un peu comme dans l’Auberge Espagnole, avec des fous rires, des pleurs, et des soirées passées à refaire le monde. Guillaume a obtenu son diplôme, un master en musicologie, la musique est son autre passion. Les chœurs dans les églises, les cours dans les collèges. Les premiers ne nourrissent pas son homme, les deuxièmes vous font détester les ados boutonneux. De toute manière Guillaume a raté le CAPES… Mais Guillaume est heureux.

 

Ela a fait de belles études commerciales mais elle n’est pas française et avec Guillaume, ils ne veulent pas se marier. Alors tous les postes intéressants lui passent sous le nez. Mais Guillaume est heureux avec Ela.

 

 

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Alors puisque les perspectives en France étaient réduites, Guillaume a suivi sa belle en Tchéquie. Ils ne mangent pas toujours à leur faim, beaucoup de légumes, peu de viande. Prague est une belle ville et Guillaume y a trouvé un travail chez Air France. Il parle français toute la journée et son tchèque reste approximatif. Il n’a pas de couverture sociale, ne cotise pas pour sa vieillesse mais il est merveilleusement heureux.

 

Avec Ela ils ont acheté un appartement.  Ela a un bon job, elle progresse dans sa boîte, son salaire aussi. Guillaume lui, stagne un peu. Il a monté une chorale dans son quartier, c’est sa bouffée d’air et son orgueil.  Et le bonheur n’a pas de prix. Le jeune couple ne compte pas revenir en France, d’ailleurs quand Guillaume  nous rend visite, c’est toujours rapide, en passant. En France, il est perdu.

 

 

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Prague: la vieille ville.

 

 

Je ne sais pas si l’amour  d’une femme mérite ce renoncement, si c'est un renoncement, je ne sais pas si Guillaume regrettera un jour. Lui ne se pose aucune question. Je ne juge pas, je m’interroge. Je suis un peu jalouse aussi. Je connais peu d’hommes qui mettent leur carrière, leur avenir entre parenthèses ; qui se contentent de vivre au jour le jour. A qui aimer une femme suffit. 

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4 mars 2012 7 04 /03 /mars /2012 10:00

Elle a quatre-vingt ans et lui quatre -vingt-trois.  Et c’est tout, je l’annonce comme ça au départ, mais oubliez, ça n’a aucune importance. Au troisième verre de whisky pour lui, et après un petit muscat pour elle, les années s’envolent. Ils évoquent d’abord leurs petites misères actuelles, pour elle de l’asthme et de l’insomnie. Pour lui, un cœur qui s’emballe parfois et sa prochaine opération des phalanges. C’est une mise en bouche, un truc pour nous endormir et nous faire croire qu’ils sont vieux. Ils espèrent qu’au troisième verre, nous serons détendus, et puisqu’ils auront perdu trente ans, nous saurons nous comporter en ados facétieux du haut de nos cinquante printemps.

Alors ils nous assènent leur voyage par le transsibérien en 81 avant de rejoindre Kyoto. Les cinq fuseaux horaires traversés en une semaine, avec pour conséquence d’arriver toujours en retard au wagon restaurant, quand il ne restait plus rien à manger. Ils évoquent les voyages en classe molle à préférer aux classes dures au milieu des russes et de leurs pots d’aisance. Et ils rient aux éclats, rougissent, alcool et asthme aidant. Puis ils se taquinent, je t’ai dit que c’était avant d’arriver à la frontière. Mais non tu te trompes c’est après. Oh et puis, pense ce que tu veux, je me tais. Ensuite ils évoquent Bangkok et ses marchés flottants, Bali et ses rizières, Tonkin et ses… Lui a un petit œil coquin, il y a prescription, c’était avant que je la rencontre. Et tout y passe, Alger, Francfort, Vienne, Cork…

Et hop, elle repart en 55 quand elle accouché de sa fille, en même temps que Gréco affirme-t-elle. Evoque sa deuxième grossesse puis la naissance du fils. Comme si c’était hier, comme si elle sortait tout juste de la maternité. Lui reparle de l’Indochine avec la voix de ses dix-neuf ans.

 

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Et hop, on passe à hier, quand les cousins de Paris sont venus pour le déjeuner, puis le petit-fils et sa femme avec leurs enfants pour le goûter. Et avant-hier, ils attendaient leur gendre à midi avec son fils, mais la petite -fille est arrivée à l’improviste avec une copine. Alors on ajouté une rallonge, fait cuire  des pâtes. Et l’autre petit-fils s’est invité, on a placé une chaise supplémentaire, et augmenté la ration de pâtes. Nouvel éclat de rires, elle se lève va chercher ses photos du réveillon, celle-ci regarde, je porte une perruque violette et C. a la banane d’Elvis. Elle repart, j’ai fait des toasts avec de la tapenade, mais non c’est rien, mangez !

Tout à coup elle s’arrête. Ils nous regardent tous les deux. Silence. Oh vous avez l’air fatigués. On ne veut pas vous chasser mais, vous avez sommeil. Alors, vous reviendrez ! C’est dommage, nous aurions dû vous inviter pour un vrai repas, demain midi, ça vous va ?

 

 

Ils n’auront jamais quatre-vingt ans, mais la cinquantaine s’agrippe à nous en une reptation subtile. Quoique, en sortant de chez eux… Si on allait en boîte ?

 

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26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 10:00

Mes pas tassaient les feuilles multicolores dans un crépitement de friture. Pourtant je crus qu’absorbée par sa peinture, la jeune femme devant la maison ne m’avait pas entendu arriver. Je me glissai à plat ventre derrière la bâche de la piscine pour l’observer tout à loisir. Elle portait une blouse ample à carreaux noirs et blancs, avec un col Claudine et des manches ballon. Je  pouvais enfin la contempler longuement. Elle avait un pinceau dans une main, sa palette dans l’autre. Elle semait des pigments sur la toile, croquait des arbres et leurs feuilles clignotantes, des nuages imbibés de caramel comme si quelqu’un là-haut faisait fondre du sucre au soleil. Elle les clouait avant qu’ils n’emportent leur secret de lumière. Elle avait un coup de pinceau large et précis, rapide, ne s’attardait guère, remplissait la toile dans sa hâte de tout capter, tout saisir. Elle s’interrompit un moment, recula.

 

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Elle enveloppa du regard le jardin devant elle, le portail  forgé en arc de cercle, les noisetiers autour. Elle avait esquissé sur la toile un héron de pierre perché sur un socle circulaire entouré d’un grillage. Il se tenait à sa gauche dans l’herbe, les pattes jointes et droites, l’œil vide, le bec dressé à la verticale du corps. Elle effleura d’un œil distrait, la terrasse et le perron de la maison à sa droite. Puis elle se remit à emprisonner des couleurs sur son carré blanc. 

 

 

 

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24 février 2012 5 24 /02 /février /2012 10:00

Il avait choisi  un endroit singulier. Un hall de gare immense, une sorte de réfectoire d’usine, clinquant et branché. Des tables rapprochées, des conversations jacassières et véhémentes. Les sièges, les colonnes disséminées ici et là, le bar, les plateaux, et même la pancarte des toilettes étaient en acier et luisaient d’un vernis froid et métallique. Autrefois au cours de la soirée, les fumées des cigarettes s’y seraient enroulées. Elles  en auraient terni l’éclat, auraient comblé la salle. Chacun n’aurait distingué que ses proches voisins. Ce qui ne m’aurait pas déplu. Car ce beau monde, des couples majoritairement ou des messieurs seuls à la recherche de décolletés avantageux, transpirait la bourgeoisie parisienne. Un lac sans reflets, un miroir sans teint.

 

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Ca n'est pas mon héroïne bien sûr, elle est plus rigolotte!

 

 

Je détournai mon regard vers  une cliente esseulée, à la table contiguë de la nôtre. Elle avait l’air d’une Esmeralda abandonnée de son Phoebus. Je détaillai ses cheveux noirs à ressorts, les anneaux argentés à ses oreilles, son chemisier moulant au col en fourrure, sa jupe longue et ses bottes raclant le carrelage. Un coup d’œil à sa montre, à son portable dans le sac, elle commanda un verre pour patienter, composa son menu sur la carte, mais je ne suis pas seule, il va arriver, ne faites pas marcher la commande, encore un moment s’il vous plaît. Se pencha à la fenêtre, le cou tendu ainsi qu’une ride à sa joue. Sourit, traça des moulinets avec les mains, se cala sur sa chaise, posa les deux poings sur la table, se redressa, jeta un regard circulaire dans la salle et me dévisagea d’un sourire qui ne m’était pas adressé. Ah, enfin, le voilà !

 

 

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20 février 2012 1 20 /02 /février /2012 08:00

 

La première fois que je l’avais rencontré il m’était apparu comme un grand chef de tribu vêtu à l’européenne. Des tamtams résonnaient dans ma tête et des chants guerriers, un panache de fumée m’embrumait l’esprit. Il était debout devant le fauteuil directorial comme devant un trône, face à la foule. Je me représentais son  couvre chef, un képi imposant, et des galons dorés  à sa veste rouge. Il ne manquait que la haie des gardes, l’alignement des sagaies, le sol rouge et poussiéreux. En guise de porte étendards, les délégués du personnel, à l’étroit dans leurs costumes, se tenaient face à direction. Ils remerciaient le patron venu fêter le nouvel an avec eux : « Monsieur le directeur, c’est un plaisir de vous avoir parmi nous.

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- Mon épouse me demande tout le temps de vos nouvelles…

- Vous voyez, je me sens si bien dans l’entreprise que j’y ai fait rentrer mon fils… »

Il regardait devant lui, fixant la porte de la salle de réunion sans ciller. Il toisait chaque arrivant, risquait un sourire, un regard oblique ou admirait le plafond.

 

A sa gauche, se tenait le conseil des sages, les ingénieurs, juristes, commerciaux. Et peut-être des  mages aux paroles sibyllines, des astrologues et leurs prophéties inquiétantes, je ne connaissais pas encore tout le personnel.

Je me trouvais au milieu des sages, et je sentais le regard du chef posé sur moi, curieusement glacial et complice. Il avait refusé de répondre à mon salut à l’entrée. Nous n’avions pas échangé de poignée de main. Il me pistait à la manière d’un  tigre gonflant le poil, sortant ses griffes et dressant l’oreille pour effrayer un jeune mâle fougueux. La salle était surchauffée, j’avais les mains moites et mon col de chemise me démangeait.  Je me sentais malade tel un occidental au milieu des peuplades indigènes, incommodé par le climat, atteint de paludisme ou ayant abusé du vin de palme.

 

images--27-.jpgLa popularité du chef était immense, intacte.

Il avait une cinquantaine d’années, un visage fin, encore ferme, des lèvres petites mais pleines. Son nez était légèrement retroussé, piqué de taches de rousseur. Ses yeux verts, très rapprochés, avaient la transparence de la gelée. Lorsqu’il braquait sur vous ses longs cils et fronçait ses sourcils broussailleux, il vous crucifiait sur place. Il était grand, mince, d’allure sportive, large d’épaule, parlait peu et ne se déplaçait pas. Nous devions venir à lui comme des enfants auxquels il tapotait la tête avec indulgence. Son regard mobile, expressif, perforant, fouillait nos cerveaux comme pour dire : QUI M’AIME ME SUIVE ! J’avais le sentiment d’être un singe  vivant, décalotté, à qui l’on mangeait l’intelligence à même le crâne, comme cela se pratique dans certains pays, paraît-il.

 

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Ceci répondait aux consignes de LENAIG:

A partir du mot "couvre-chef," écrire ce que l'on veut. Une seule condition inclure: QUI M'AIME ME SUIVE! dans le texte.

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1 février 2012 3 01 /02 /février /2012 10:00

Il m’arrête alors que je sors de ma Twingo.   "C’est chouette hein comme voiture, on se gare n’importe où avec ça, dit-il. J’en ai une moi aussi, pas ce modèle, celui d’avant un peu plus rond qui lui donnait un air de gros bébé. Je vais partout avec ça, c’est que c’est cher maintenant les voitures, et vu le prix de l’essence..."

Il porte un blouson ouvert sur un gros pull marron à col roulé et un jean. Il a les cheveux gris et le sourire d’un homme à la quarantaine lisse. Il ne se complique pas la vie. Les rides sont dessinées pour lui donner de la profondeur, le rendre crédible.  De près, ça à ressemble du maquillage, elles ne sont pas creusées, tout juste à peine esquissées. Ses dents brillent comme des gouttes de lait. Je l'aperçois dans le quartier depuis un moment déjà. Je sais qu'il n’est pas marié, n’a pas d’enfant, exerce un job pépère. Il arbore une boucle à l’oreille gauche. Dans ce matin brumeux qui promet la pluie, un peu de brouillasse dans laquelle le soleil a délayé  un rayon pâle, il semble heureux, il a l’air jeune, insouciant. Je me demande quelle est sa vie,  a-t-il une compagne, un compagnon peut-être? Je me demande ce qui le motive, quels sont ses amis, ses loisirs, ses sorties.

Je m’interroge sur moi, cette curiosité malsaine qui voudrait que ça cache quelque chose, cette existence douce, sans aspérité, ce personnage dont rien dans l’allure ou le contexte familial n’accroche, ne dérange, ne montre une difficulté ou une souffrance. Je ne devine aucune faille. Pourtant il doit bien y en avoir une.

 

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Et je me dis qu’il ne camouffle rien, il relativise. Les choses n’ont que l’importance qu’on leur accorde. Lui est joyeux de nature. Campé devant moi et les jambes légèrement arquées, il me dépasse d’une tête. Il a le regard clair, son œil pétille comme s'il me faisait une farce. Ou allait disparaître dans la brume tel un lutin.

Il me quitte sur une pirouette : "je n’ai pas les moyens de changer de voiture, ou alors dans dix ans peut-être, je prendrai une voiture à pédales !" Son petit rire sec résonne à mes oreilles comme un grelot.

 

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25 janvier 2012 3 25 /01 /janvier /2012 10:00

 

 

 

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Delphine Gay est née en 1804, la même année que George Sand, à Aix-la- Chapelle. Fille de Sophie Nichault de la Valette, dont les parents ont été ruinés par la révolution, et d’un homme de finance, elle fait son entrée dans le monde en 1822, dans les salons du faubourg  Saint Germain. Elle déclame des poèmes devant Nodier et Hugo et devient vite célèbre, admirée par Goethe et par le roi Charles X.  Elle publie des essais poétiques en 1824 et 1825. Lamartine écrit en la voyant  contempler une chute d’eau : «  elle avait les joues pâlies par l’émotion du spectacle et un peu déprimées par la précocité de la pensée. Et sa voix complétait son charme : elle avait l’accent des poètes avec la bienséance de la jeune fille ». Elle fréquente les plus beaux noms d’Europe, est accueillie en Italie en 1827 et couronnée au Capitole.

Sa situation est délicate, elle est à la fois femme publique c’est-à-dire qui publie, et fille à marier. De plus elle déclame ses vers avec des accents de tragédienne. Cela met ses contemporains  mal à l’aise. Elle n’a pas de dot et la mère d’Alfred de Vigny lui refuse le mariage avec son fils. Mais elle est l’amie des romantiques. A la première de Hernani, en 1830, Gautier (photo)  la décrit comme une apparition dont le charme suspendit le tumulte et provoqua les applaudissements des jeunes gens.

 

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Sa chance est la rencontre avec Emile de Girardin, photo ci-dessous,  qu’elle épouse en  1831 à vingt- sept ans. Ensemble ils conquièrent la Société par l’entremise des journaux pour « l’ambition personnelle et l’utopie sociale ». A cette époque E. De Girardin a fondé «  Le voleur »,1828, et «La Mode »,1829. Tous les jeunes talents y écrivent  des articles: Dumas, Karr, Sue, Balzac, G. Sand

 

 

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Il crée ensuite le « Journal » et l’ «Almanach de France ». Et la « Presse » en 1836 dans lequel Delphine tient la chronique « Courrier de Paris » sous le nom de Vicomte de Launay. Le Vicomte raconte l’érection de l’obélisque place de la Concorde, tient les lectrices au courant des tendances de la mode, chapeaux, manches bouffantes ou ajustées, dentelles, plis, volants. Va écouter l’Opéra, applaudir Rachel au théâtre français, frissonne à la Porte Saint Martin, rit aux Variétés. Contemple le défilé de Longchamp, mange des glaces chez Tortoni, assiste aux séances de l’Académie française. Visite le salon de peinture, les expositions de produits de l’industrie. Détaille les toilettes dans les bals. Delphine de Girardin exprime ainsi son sens comique.

 

 

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Le vicomte de Launay évoque une société parisienne, un ensemble de phénomènes vestimentaires, de bonnes manières et la présence de personnes éminentes dans tous les domaines. Delphine de Girardin admire l’ancien régime, elle écrit à la mort du roi Charles X en 1836 : « Nous pleurons le roi de la France chevaleresque, brillante et poétique, de la France dame de qualité,  de la France enfin qui n’est plus ».  Aujourd’hui le vaisseau de l’état est «  un lourd bateau à vapeur, chargé de charbon et de pommes de terre, partant à heure fixe, arrivant à jour fixe au port qui lui est assigné… »  Elle apprécie donc peu, la monarchie du roi Louis Philippe plus bourgeois qu’aristocrate et se plaint de la dégradation des mœurs. Au mariage du prince d’Orléans en 1837 elle écrit : « Quelles sont toutes ces femmes dans les voitures de suite Quels vieux chapeaux ! Quelles robes fanées ! ».

 

Delphine Gay est aussi connue pour son salon au 41 rue Laffite, à Paris puis dans l’Hôtel  Marbeuf  sur Les Champs Elysées. Elle reçoit ses intimes tous les soirs mais sa soirée de réception où l’on fait de la poésie et de la musique  se tient le mercredi. Elle ne supporte la médiocrité, il faut se distinguer par la naissance, ou posséder un talent réel. Elle convie Gautier notamment, en lui disant que le but de la soirée est de prendre des glaces et de dessiner des girafes.  Après l’Opéra ou avant d’aller dans le monde, entre onze heures et minuit viennent Lamartine, Hugo, Balzac, Musset… Mais aussi des politiques tel  le ministre Guizot, le préfet de police Delessert, un homéopathe à la mode, le docteur Cabarrus. Le couple De Girardin réunit charme, talent, pouvoir, influence, intelligence et humour. La caricature ci-dessous montre Balzac à gauche et Hugo à droite à l'une de ces réceptions.

 

 

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Delphine de Girardin meurt d’un cancer en 1855, à l’âge de cinquante et un ans, soit cinq ans après Balzac. George Sand a encore vingt et un ans devant elle.

Ses œuvres de fiction les plus connues sont : le marquis de Pontanges 1835, Contes d’une vieille fille à ses neveux 1832, La canne monsieur Balzac 1836, Il ne faut pas jouer avec la douleur, 1853.

 

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Si je parle de Delphine de Girardin aujourd'hui, c’est que certains de nos contemporains me la rappellent. Ils font très parisiens ou distingués, ont ce côté "grande bulle du grand monde".  Ainsi Inès de la Fressange est son double  de mode et Fanny Ardant la tragédienne. Elle prête sa plume à Sophie Fontanel de l’hebdomadaire ELLE, très rigolote sous le pseudo de Fonelle et prie Nadine de Rothschild  de nous inculquer les bonnes manières. Elle décide de nos soirées intellectuelles en imposant certains noms aux directeurs de chaînes en fin de semaine : Pivot, Drucker, PPDA ou Beigbeder. Il ne me vient pas de nom féminin à l’esprit dans ce domaine, et je le déplore…

 

 

SOURCES : Wikipédia, LAVIE ELEGANTE par Anne MARTIN-FUGIER, Editions FAYARD.

 

 

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21 janvier 2012 6 21 /01 /janvier /2012 10:00

Je rencontre Malika à la piscine. Elle m’arrête dans le couloir alors que je reviens des douches. J’ai  froid, mes cheveux dégoulinent. Elle entreprend ce qu’elle fait chaque fois qu’elle m’aperçoit, elle évoque sa vie, sa sœur, le théâtre et la poésie. Elle s’excuse, elle m’effleure le bras, légèrement. Elle ouvre la bouche et ses mots chahutent, ils s’écorchent. On ne suit pas totalement le fil des paroles, il y a des à-coups, des silences. Des larmes se perdent dans la peau granuleuse de ses cernes. D’habitude ses cheveux gris tressés au-dessus de la tête lui donnent un air de petite fille triste. Car son regard fiévreux, ses paroles éloquentes et l’amour du théâtre lui garantissent une jeunesse éternelle.  Cette fois, ses hublots de piscine sont dressés sur son crâne comme des radars. Ils semblent dire, je vois, j’entends, j’écoute. Ou encore, reste là, ne bouge pas, attend. 

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Malika évoque ses origines algériennes. Parle de sa sœur, de ses problèmes identitaires. Elle veut discourir davantage, elle cherche à me retenir, raconte ses misères, se demande si elle m’ennuie. Explique que déballer tout à trac comme ça, se confier, est un soulagement, c’est de l’oxygène pur. C’est euphorisant. Et le besoin de déclamer monte en elle. Elle a soudain des airs de tragédienne, de Grande Rachel, de Sarah Bernhard. Elle a beau être en maillot de bain dans les douches avec sa serviette à la main et moi, grelottant à la recherche de la mienne, il y a la scène et il y a un public. Elle et moi, l’une en face de l’autre, tandis que le personnel d’entretien essuie le carrelage autour de nous.

 

Malika a pitié, je me dirige vers mon casier. Je sais que des poèmes se bousculent dans sa bouche  et encombrent sa tête. Je sais qu’un jour prochain, elle me les récitera.

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15 janvier 2012 7 15 /01 /janvier /2012 10:00

 

Le XIXème siècle fut celui des romantiques Hugo, Nerval et tant d’autres, des parnassiens Coppée, Banville, des voyants tels que Rimbaud. Balzac en fit une peinture minutieuse, Sand et Maupassant eurent des visions bucoliques, Zola des considérations ouvrières. La France était un Royaume, connut les fastes de l’Empire et se rebella en une fière République dans ses trente dernières années. L’esclavage fut aboli et le savoir divulgué au moyen des journaux. Les idées circulèrent dans les salons, les théâtres, les cafés. Les français voyageaient, les plus fortunés, bien sûr, les grandes familles, artistes, peintres, photographes. Le monde s’ouvrait enfin. Pour le bonheur de tous ceux qui, avides ou curieux, souhaitaient s’entretenir de l’évolution culturelle, économique et sociale du pays.

Parmi ces nantis, ces chanceux, bien nés ou parvenus, il était un personnage méconnu et attachant. Victor Cochinat est né en 1823 en Martinique.  Issu d’une famille de noirs affranchis, il fut avocat, puis journaliste au Figaro et au Petit Journal entre autres. C’était aussi un chroniqueur théâtral très connu et considéré.

 

 

 

 

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 Cochinat est un vrai noir et non un métis comme Dumas, dont il fut le secrétaire. Alors bien sûr, durant le second empire colonialiste, on raille sa toison épaisse et crépue et son nez épaté. Cela fait de lui un « vilain bonhomme » par le physique, on utilise sa propre expression lorsqu’il moque les parnassiens, ces vilains bonshommes. Eh oui, son esprit vif et son sens critique lui ont apporté la célébrité mais aussi de solides inimitiés.  Il s’imposa par sa gaîté, son dévouement, et un don particulier pour la causerie et le conte. Victor Cochinat sut attraper les manières de son temps et les consigner sur le papier, les rendre vivantes, amusantes ou grinçantes. Sa fraîcheur, son pétillant ont charmé un siècle fourmillant d’idées nouvelles.  Sa caricature par Gill fait la  première page de l’Eclipse du 10 mai 1868. Elle est blessante, avilissante et ne passerait pas aujourd’hui. Mais elle est une preuve de sa popularité, de sa notoriété au même titre que son portrait par Le Gray, exposé dans un musée danois.

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 De nos jours on parlerait de mode, de tendance, de vagues. On ferait des rubriques au journal de vingt heures, ou un film sur sa vie. Nul doute que Cochinat tiendrait un blog à son nom !

 

 Il apparaît dans les correspondances de Banville, Wagner, Paulus, Hugo ou Maupassant.  Il a écrit un livre sur le célèbre brigand Lacenaire, un autre sur les vertus du tabac. Il a vécu l’abolition de l’esclavage et donné son avis sur l’indépendance d’Haïti au risque de déplaire. Ami de Victor Schoelcher, il devint, grâce à lui, conservateur de la bibliothèque de Fort de France sur la fin de sa vie.   

 Différent mais reconnu par ses pairs, côtoyant l’élite, moqué mais considéré, Victor Cochinat est l’un des témoins  d’un siècle où foisonnaient les talents littéraires. Il meurt en 1886 en Martinique, soit un an après Hugo, cinq ans avant Rimbaud, sept ans avant Schoelcher. Peu avant que le siècle se termine et son faste avec lui.  

 

 

  

 

 

 

 

 

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