Nous n’étions pas prévenus et nous y sommes allés bravement, comme avant. Comme pour les élections précédentes. D’humeur joyeuse, amusés, conscients d’accomplir le devoir qui nous permettrait de râler après, si jamais... Un ciel gris, bas, un vent frais, la pluie. Qu’importe, aujourd’hui il faut voter. Juste en bas de chez nous, dans la nouvelle école avec ses grandes baies vitrées.
Une certaine fierté, il faut le dire, on se sent citoyen, on compte pour la France, on compte sur la France.
Mais voilà pour nous c’est vote électronique : un bouton noir, un bouton vert : a voté. Une machine unique pour le bureau de vote. Une seule queue, une boucle qui s’étire jusque dans la rue. Des jeunes hilares, des personnes âgées fatiguées, un peu déboussolées : il va falloir appuyer sur un bouton. Des pitchouns aux pas hésitants donnant la main à des adultes résignés, chacun attend, patiente, s’assied, soupire, piétine, observe… chacun. Quarante-cinq minutes sur le grill, un silence de circonstance, une sorte de recueillement national. Certains, pas mêmes âgés, pas même handicapés, présentent des laissez-passer un peu douteux. Personne ne tique, voter ça rend drôlement civique.
Le vote électronique, c’est une révolution, pas de dépouillement après vingt heures. Quoique j’apprécie l’ambiance des dépouillements, cette fièvre : se dépêcher afin de savoir. Je peux affirmer que nombreux sont ceux qui n’ont pas supporté la chaleur du préau, la lenteur des vérifications d’identité, du passage devant la "machine à boutons" et le registre des signatures. Nombreux sont ceux qui sont repartis au bout de dix minutes, ou ont fait demi-tour en apercevant la file d’attente. Dans mon bureau de vote, il y a aura un taux d’abstention certain. Pour une fois, le prix de la modernité ne se mesure pas en gain de temps. Pour le votant tout au moins.