6 avril 2020
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Le dimanche midi en famille, en cette période, c'est rendez-vous apéro, sur le net. Chacun y va de son petit Crément, cacahuètes, ou rhum, accras. On blablatte, tout va bien. C'est devenu un rituel. On a instauré une routine, rien de folichon, puisque les sorties sont interdites. C'est le confinement, c'est passager, c'est prendre son mal en patience.
En ce moment je lis un livre de Doris Lessing: "Si vieillesse pouvait". Elle y parle de l'amour, passé la cinquantaine, des enfants, des vieillards. Le très grand âge, pour lequel chaque jour est une routine, un rite imperturbable. Le lever, l'aide d'un déambulateur, la toilette, le petit déjeuner, apercevoir par la fenêtre, les jeunes, les actifs qui vont travailler. Les visites de l'aide ménagère, de l'infirmière, de la bonne voisine. Chacune passe en courant, chacune a sa vie. Et puis les vieux, ça sent mauvais. Alors, un petit caprice, une colère, afin de retarder les visiteurs, de les accaparer, ne fait pas de mal. Les minutes s'enchaînent jusqu'au retour des mômes, de leurs parents, jusqu'à l'heure du feuilleton, de la toilette et du lit. C'est le confinement de l'âge. Celui-là est sans issue.
Le virus fragilise ou démolit notre présent. Lorsqu'il s'attaque aux anciens, qu'ils soient chez eux ou en structure spécialisée, il nous flanque au visage le futur que nous refusons de voir. Remercions ceux qui en prennent soin et tentent de l'adoucir.
PS: son air las, sa solitude, m'ont fait choisir Paul Gachet pour illustrer mon texte.