Défi 114 chez Jeanne Fadosi pour les croqueurs de mots cette semaine : le génie de la lampe d’Aladin me permet d’exaucer trois vœux…
Ce n’était pas une simple lampe mais un soliflore qu’on m’avait offert lors d’un dîner organisé à la maison. Il avait d’abord contenu une rose et de l’eau, trôné sur la table au début du repas puis fini sur un guéridon au dessert. Et je l’avais oublié. Ce furent les pétales étalés sur le bois qui m’alertèrent tout d’abord. Et le gargouillis au fond de l’eau croupie ensuite. J'étais en train de rincer le vase quand j’entendis une voix, rauque, mâle, déterminée, surgie du col :
- Fais donc trois vœux, je les exaucerai !
J’avais d’abord souri, moquant mon imagination fertile. Mais la voix insistait, monotone, comme un message de répondeur. Puis elle se fit cajoleuse, persuasive. Je m’inventai un Prince au physique irrésistible tel Alain Delon dans La Piscine. Et tout naturellement je demandai :
- Montre-toi, c’est mon premier vœu !
Il y eut un rire tonitruant, un rire de gorge. Et l'autre de répondre que c’était impossible, je devais me creuser la cervelle, quoi, il n’y avait rien qui me tentait ? Je venais de gaspiller un vœu, il ne m’en restait que deux.
Je trouvais ce vase moins sympathique soudain. C’était un objet tout bête en verre filé, sa place était sur le guéridon. Il se mit à chanter, à siffler : fais un vœu, fais un vœu…. Je me bouchai les oreilles :
- Tais-toi donc !
- Si tu y tiens mais il te reste un... dernier vœu, penses-y, c’est ta seule chance.
Je m’étais assise dans le canapé à côte de lui. Je le fixai un instant, de la buée perlait sur le verre, on eût dit qu’il respirait. Je réalisai que c’était la première fois que je me tenais ainsi, n’écoutant que mon souffle calme. J’étais en paix, détendue. Je fermai les yeux, laissai pendre mes bras contre mes cuisses. J’entendais le ronronnement de la machine à laver, et le chuintement des voitures dans la rue. Je m’endormis. Ce fut la lumière vive et clignotante de la guirlande accrochée au lampadaire devant ma fenêtre, à l'occasion des fêtes de fin d'année, qui me réveilla à la nuit tombée. Je sursautai et renversai le guéridon. Un rayon de lune balayait les bris de verre au sol.