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22 février 2016 1 22 /02 /février /2016 08:00
Défi 160: D'UNE INCONNUE
Pour ce 160ème défi chez les Croqueurs de mots,  Lénaïg a choisi pour thème: un personnage sort du livre. J’ai choisi d’être cette inconnue dans la nouvelle : "Lettre d’une inconnue " de Stefan Zweig
Mon cher Stefan,
Pourquoi aujourd’hui, pourquoi ma révolte ? C’est que Valentin est passé la semaine dernière, a déposé ces roses blanches sur la table de ma cuisine. Les souvenirs me rongent.
Il y a eu ce romancier R., auquel tu m’as liée à l’âge de treize ans. Tu m’as ôté l’insouciance, tu m’as rendue femme, amoureuse et lucide déjà, tristement lucide. J’aimais sans espoir, au-dessus-de ma condition, j’aimais un homme jeune mais plus âgé que moi, un homme à femmes, collectionneur, viveur, sans attache.
Quand j’ai eu dix-huit ans tu as provoqué nos corps à corps, m’obligeant à renoncer à l’union des cœurs car R. ne voyait que ma peau fraîche de demoiselle peu farouche et la promesse d’instants légers, de peu de conséquence. J’avais de l'audace, j'étais moderne avant l'heure,  revendiquais mon indépendance,  ne voulais pas peser sur sa vie. Je suis fière de ce personnage-là, de ses actes, de sa volonté. Je me plais autant que tu as pris du plaisir à me créer.
Je t’en veux pourtant car tu imaginé le gâchis et la douleur d’une fin de vie misérable. Je meurs du chagrin d’une mère qui perd un enfant de cinq ans. C’est l'enfant de R. qui gît dans mes bras et je l’en informe, à l’heure de disparaître à mon tour. Cet esprit volage  se souvient à peine de moi, dans sa tête une petite musique, c’est tout. Mais pourquoi ne m’as-tu pas unie à l’un de ces hommes riches qui me courtisaient et se disaient prêts à élever mon fils ?
Même Phillippe Besson n’a pas eu le cœur aussi sec. Lui a inventé un fils à Marcel Proust, un fils adoré de sa mère, ignoré de son père, et qui découvre l’amour, le vrai, partagé, fusionnel avant de mourir dans les tranchées de la Grande Guerre. Moi, je me consume, je me refuse au cours médiocre d’une vie sans R. et je prive mon enfant du bonheur sur terre. Je suis amour déçu, amour vaincu, je ne suis plus. Je suis toi, bien avant ta propre désillusion.
Mais je traverse le temps, nous le traversons ensemble. Là est notre victoire, je ne suis pas réellement en colère.

 

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commentaires

J
en coup de vent et en copié collé pour te prévenir que :<br /> Pour les croqueurs et le défi 161 j'ai eu le feu vert de dômi du coup la feuille de route est sur mon blog en attendant qu'elle le relaie sur le blog de la communauté. Bises.
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J
Je n'ai pas lu ce livre de Stephan Zweig mais sous ta plume on devine une histoire tres bouleversante . Je retiens le titre pour une prochaine lecture
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L
Bonsoir Mansfield. Avant de te mettre un petit mot, je suis allée la lire, cette Lettre d'une inconnue de Stefan Zweig, que je ne connaissais, j'avoue, que de nom. J'ai été aussi captivée qu'agacée par la passion destructrice de cette femme pour l'écrivain R. qui, au long de la vie, reste si superficiel dans ses relations avec les femmes qu'il ne la reconnaît jamais au cours de leurs différentes rencontres, même intimes. Implacable destin d'une femme d'origine très modeste qui pourtant avait accédé à une vie meilleure mais qui semble être punie par la mort de son enfant. Je suis heureuse de la retrouver à travers ta lettre à toi, enfin à travers toi qui t'identifie à elle, s'adressant directement à Stefan Zweig, quelle géniale idée ! Transcendance ! Tu redonnes sa dignité à cette femme, devenue célèbre et passée à la postérité, comme son créateur. Merci beaucoup, bises.
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M
Merci Lénaïg, cette nouvelle très poignante m'avait autant plu qu'agacée alors bien sûr, j'ai livré mon ressenti avec ce texte, bonne semaine à toi
M
Merci Lénaïg, cette nouvelle très poignante m'avait autant plu qu'agacée alors bien sûr, j'ai livré mon ressenti avec ce texte, bonne semaine à toi
É
Je ne connais ni l'auteur nile livre mais j'ai apprécié la rébellion de ton héroïne.
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J
Héroïne à la fin tragique qui la rend encore plus héroïque, mais tu as su à merveille la montrer rebelle face à son écrivain-créateur. Belle journée à toi. Amitiés. Joëlle
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D
Auteur que je ne connais pas et que tu as très bien mis en scène.<br /> Bravo et merci pour ton partage.<br /> Bisous.<br /> Domi.
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C
Défi magnifiquement relevé ! Bravo !
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F
Elle a beaucoup de reproches à lui faire, cette femme qu'il a voulu émancipée mais aussi "punie" comme toutes les femmes qui sortent du carcan. Comment va-t-il se justifier ? <br /> Un bon choix
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J
on croit entendre cette héroïne que tu fais si bien dialoguer avec son auteur. Je me serais attendue chez toi à un dialogue entre Katherine et son double<br /> bises et belle semaine
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J
Comme j'entends Stéfan derrière tes paroles...<br /> bravo pour ce choix de personnage Mansfield
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C
Comme dans les mots de Zweig, il y a dans les tiens quelque chose de cette abrupte douceur qui réjouit l'âme et le coeur du lecteur. Merci de faire si bien éclore les mots de cette inconnue. Amitiés et belle soirée. Cendrine
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D
je ne me souviens pas de ce livre ; j'aime beaucoup cet auteur sensible ; récemment, il y avait un documentaire sur ARTE. <br /> S. Zweig était très sensible comme certainement ses personnages ; il avait tant besoin d'amour.<br /> Merci d'avoir choisi cet auteur.
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L
Je crains que Stefan Sweig soit dans l'impossibilité de répondre.
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N
Défi relevé !<br /> Bravo !
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J
Bonjour Mansfield... pour ma part je découvre cet auteur autrichien ! Tu as très bien pris ce défi... merci à toi...
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M
J'ai beaucoup aimé. Je n'ai pas lu ce roman de Stephan Zweig. Pourtant j'ai beaucoup aimé 24 heures dans la vie d'une femme, un de mes meilleurs souvenirs de lecture que ce petit roman. J'ai d'ailleurs failli choisir cette héroïne comme personnage pour ce défi de Lénaig. Belle semaine
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