Ce dont je rêve en ce moment c’est une table en bois, face à la mer. Je viendrais m’y installer dès le matin, quand le soleil caresse la peau plus qu’il ne la brûle.
Le vent pousse un souffle tiède qui m'enveloppe les épaules. J’ai devant moi un jus de mangue et un colibri tout vibrant, le bec plongé de dedans, et dans une assiette, de l’ananas en tranches et des groseilles pays. J’ouvre ma thermos, mon café a le goût de la terre brune et vanillée de la Maison Chaulet. J’y plonge un morceau de sucre de canne blonde et parfumée. Les vagues ont la langueur des îles et se déposent en s’étirant sur le sable dans un chuintement d’écume. Il n’y a personne sur la plage à cette heure, à part quelques pêcheurs qui s’en vont au loin placer leurs casiers à langoustes. La mer déroule ses couleurs, métallique et froide à l’horizon, bleu roi puis vert émeraude et transparente sur le sable. Je n’ai pas la force de me lever et de me tremper les orteils, je n’ai pas envie de me soustraire aux rayons qui filtrent à travers les cocotiers. Je ferme les yeux, sur une grosse boule rouge comme si le soleil s’était incrusté dans mes lunettes. Et je les rouvre devant le spectacle irréel d’une voile blanche filant dans le ciel, emportant avec elle mes désirs anesthésiés.