Pour illustrer à la fois la photo sujet de la quinzaine chez Miletune et le défi 94 parti de chez Hauteclaire nous invitant à proposer une suite pour un film qui nous a plu.
Frits Thaulow
J’ai pensé à Bruegel l’Ancien. Parce que l’étendue blanche et les toits recouverts de neige c’est son domaine. Les arbres filiformes qui accrochent le ciel aussi. Et les maisons posées ça et là comme de jolis cubes dans un paysage de gands espaces. Le gris, le blanc, le marron sale des montagnes, et la vie au milieu. Chez l’un des villageois patinent, chez l’autre un skieur slalome. Chez Bruegel l’Ancien on pense aux cartes postales, aux vœux que l’on échange car la neige est une fête, on y danse plus qu’on y marche et rien ne la griffe, personne n’y pèse de tout son poids. Il y a foule cependant, et l’on papote, on discute avec véhémence, en agitant les bras en tous sens parfois. Chez Thaulow la neige est foulée, tassée, chiffonnée, vivante et nue pourtant. Comme si la foule était là quand même, muette. Le décor est posé mais un peu inquiétant, tout le monde se terre. Le soir tombe peut-être, à en juger par la teinte jaune orangée que prend le sol à l’arrière-plan et les toits fument, c’est l’heure du dîner. Ce silence…
Bruegel l'Ancien
Le décor est planté. Je pense à « Into the Wild » un film de Sean Pen où un jeune homme abandonne sa vie confortable et son brillant avenir pour affronter la vie au grand air et les neiges de l’Alaska. Il y finira sa vie seul, isolé de tous, et dans une grande détresse. Alors j’aime imaginer que ses pas le portent vers un village comme l’un de ceux-là aux toits embués, où une odeur de lard et de soupe aux choux s'échappe par les fenêtres. Il s’aventurerait d’un pas hésitant, la neige en témoigne. Il avancerait avec peine, on entendrait quelques accords de piano, plaqués comme de la ouate. Et cela résonnerait dans sa tête, au rythme de la marche, indiquant la pesanteur, les pieds qui s’enfoncent et soulèvent de la poudreuse. Le seul cri, juste avant le générique de fin serait une voix, un écho, l’accueil de la montagne relayant le skieur venu à sa rencontre pour le relever juste avant qu’il ne s’effondre : « Ohé, vous avez besoin d’aide ? »
Into the wild