(Clin d'oeil à Capucine, sur la notion d'émotion et de plaisir.)
Agrandissant le trou dans le grillage, je pénétrai dans la propriété comme si c’était normal, comme si j’étais attendue. Sans complexe, je brisai les branches qui entravaient mon avancée. Je coupai les orties hautes. Je marchais lentement, dérapant sur le sol moussu et la terre recouverte de buis séché. C’était l’automne, les tilleuls perdaient leurs feuilles. Les pins et le buis avaient un feuillage dense et verdoyant soumis aux caprices du vent dont le chant imitait les oiseaux. Je m’aventurai sous une voûte enténébrée de fougères géantes. Leurs feuillages mêlés et retombants ouvraient un passage. Au loin je repérai une clairière. Elle brillait d’une lumière aveuglante et chaude comme du miel bouillonnant dans un chaudron. Je forçai l’allure et trébuchai sur des pommes de pin et des cailloux, me cramponnai aux branchages. Mes gants usés étaient une piètre protection. Mes mains étaient glacées et écorchées. Ce long tunnel exacerbait les odeurs : fientes et crottes d’animaux, essence de pin, parfum douceâtre du tilleul. Au centre de la clairière, le tronc d’un arbre abattu recouvert d’une nappe de lierre, figurait un autel. Le sol était jonché de ramures duveteuses et dorées. Le soleil pétillait de poussières comme le champagne de bulles. Je fis le vide dans ma tête. J’eus de nouveau la certitude de vivre.